lundi 16 décembre 2013







Table de salle à manger

 Il y a près de 35 ans, je réalisais ma première table de salle à manger. À cette époque, je vivais ma période « arts et traditions populaires », je m’intéressais aux belles maisons ancestrales et au mobilier de la Nouvelle-France. Ma production était à l’avenant, j’avais tendance à reproduire les meubles que l’on retrouvait dans « la bible » de l’époque : « Les meubles anciens du Canada français » de Jean Palardy
Reproduction d'une petite armoire rustique
du XVIIIe siècle...réalisée dans ma
période "arts et traditions populaires" !  
qui encore aujourd’hui demeure la référence de bien des conservateurs de musées et d’antiquaires québécois. Mais pour la table de la salle à manger, je n’avais rien trouvé de vraiment pratique dans ce répertoire de meubles anciens, j’ai alors décidé de m’inspirer d’un modèle campagnard assez répandu au Québec. Réalisée avec un minimum d’équipement, elle a tout de même bien résisté à l’épreuve du temps et aujourd’hui elle connaît une seconde vie chez mon fils. Sans délaisser complètement le meuble traditionnel disons que j’ai troqué mon côté « arts et traditions populaires » par un côté plus « zen et contemporain », il faut bien être de son temps! Il y a un an je me suis donc donné le défi de concevoir une nouvelle table de salle à manger aux lignes très contemporaines. 

Ma première table de salle à manger réalisée il y a plus de
35 ans avec un plateau de bouleau jaune de 1 1/2" d'épaisseur.
Mon principal défi dans ce projet était de concevoir une table qui pouvait s’agrandir à partir de l’une de ses extrémités, plutôt que par le centre et que l’on puisse dissimuler facilement, sous le plateau, la section pour allonger la table. Après une visite chez un réputé détaillant de mobiliers contemporains à Québec, j’ai vite compris que les manufacturiers qui proposaient ce type de table avaient développé leur propre quincaillerie qui le plus souvent s’articulait autour d’une structure métallique coulissante placée sous le plateau de bois. En plus du design de la table, je devais donc développer un mécanisme d’ouverture artisanale à partir de la quincaillerie disponible sur le marché. J’ai alors eu a l’idée de traiter la section coulissante comme un simple tiroir. Une structure


Modélisation 3D de la table extensible (dessin sketchup  et rendu photographique avec Kerkythea) dans ce plan le plateau est retiré pour faire voir la structure du mécanisme d'extension en érable et l'emplacement de la section qui permet d'allonger la table.
en érable placée sous le plateau sert de logement pour un cadre (également en érable) qui comme un tiroir glisse à l’intérieur de la structure, grâce à de simples coulisses de tiroir sur roulement à billes. La structure et le cadre en érable sont boulonnés après l’ensemble pattes/traverses à chaque extrémité de la table. Il faut préciser ici que les pattes sont reliées entre elles par une traverse et forment donc un portique qui est au même niveau que la surface du plateau. Les deux portiques assurent une grande stabilité à la table, l’assemblage des pattes à la pièce transversale est réalisé par des tenons traversants

Plan de la table de cuisine.  C'est en tirant sur le piètement d'un côté de la table que l'on peut libérer la section d'allonge dissimulée sous le tablier 


La section glisse d'un côté de la table grâce à deux coulisses de tiroir sur roulement à bille qui sont fixés à la structure en érable sous le plateau de la table.
qui en plus d’être très solides contribuent à l’esthétisme du meuble. Les coupes pour les tenons et les mortaises ont été réalisées avec une scie à ruban en utilisant le guide parallèle et 4 espaceurs en MDF de ¾ »’ d’épaisseur. Les espaceurs ont permis de réaliser les coupes à intervalles réguliers, sans le moindre risque d’écart d’une coupe à l’autre, ce qui est absolument nécessaire pour ce type de joints apparents. Une fois les coupes réalisées j’ai simplement évidé les mortaises avec un ciseau à mortaiser de ¾ »’.

Des joints à tenons traversants pour les pattes et les traverses ... à la fois solides et esthétiques.

La réalisation du plateau a demandé beaucoup d’attention, car je devais laminer plusieurs pièces de bois pour obtenir une surface de 41’’ x 96’’. Pour obtenir un plateau qui peut s’allonger avec une section amovible, il est nettement préférable de laminer les pièces en considérant la longueur totale du plateau une fois allongé et d’y découper par la suite la section qui deviendra amovible. On s’assure ainsi d’un mariage parfait du plateau et de la section amovible lorsque la table sera déployée à sa pleine longueur. Cette approche a soulevé un certain défi dans la préparation des planches qui forment le plateau, car dégauchir des planches de 96 « ’ sur ma dégauchisseuse qui n’avait que 46’’ longueur aurait pu donner de bien mauvais résultats. L’astuce que j’ai utilisée a été d’allonger la table d’alimentation et de sortie de la dégauchisseuse (jointer) et de la raboteuse d’épaisseur (planer) avec des tables d’allonge en contreplaqués permettant de supporter les planches sur toute leur longueur. J’ai utilisé un niveau de 48’’ pour m’assurer que les tables d’allonge étaient parfaitement au niveau avec les tables de la machinerie.

Voici le plan de l’installation pour dégauchir des planches de près de 100'' de longueurs. Il faut s’assurer que les 2 extensions en contreplaqué seront  parfaitement de niveau avec la table d’alimentation et la table de sortie de la dégauchisseuse.

 Finalement, pour faciliter le laminage des planches j’ai choisi de le faire par étape en collant d’abord trois sections de 12’’ de largeur qui correspondaient à celle de ma raboteuse d’épaisseur. Une fois bien collée, j’ai passé chacune de ces sections à la raboteuse pour m’assurer de leur parfaite égalité. Les trois sections de 12’’ furent finalement lamellées (avec des lamelles, ou biscuits, no 20) et collées entre elles et avec une planche de 5’’ pour atteindre la largeur totale de 41’’. Un ponçage à la sableuse rotative a finalement permis de faire disparaître toutes traces de colle et les petits écarts de niveau entre les sections.


Table de salle à manger contemporaine complétée - 

L'extension de la table est dissimulée sous le plateau. Sous les pattes (à gauche) il y a des patins en Téflon pour leur permette de mieux glisser sur le parquet  lorsque l'on tire pour dégager l'extension.


Le plateau et les pattes de la table ont été réalisés en cerisier tardif, un bois que j’aime bien en raison de sa coloration naturelle. Inutile de teindre ce bois, une couche d’huile de lin bouilli suffit pour faire ressortir sa belle teinte d’un brun rougeâtre qui foncera avec le temps sous l’action de la lumière. Une fois que la couche d’huile de lin fut complètement absorbée et que le bois fut sec au touché (48 heures après l’application), j’ai appliqué 4 couches de vernis au polyuréthane lustré afin d’accroître la résistance et l’imperméabilité de cette table à manger qui subira bien des outrages pendant sa vie utile! Pour assurer un fini uniforme, j’ai sablé entre chaque couche de vernis (papier fin 320), et j’ai poli la dernière couche avec des papiers extra-fins (papiers gris de grade 1000 et 2000, utilisés notamment pour polir la peinture des automobiles) en lubrifiant la surface avec un mélange d’huile et d’essence minérale (1 partie d’huile pour 3 parties d’essence) que je vaporisais avec un petit vaporisateur à eau. Cette façon de faire permet finalement d’obtenir un fini semi-lustre très doux sans marque de pinceau ou d’égratignure.

vendredi 6 décembre 2013

Décorations de Noël au tour à bois


Je ne sais pas si ce sont les origines allemandes de ma famille (l’ancêtre des Payeur d’Amérique, Christopher Bayer,  venait de la région de Hanau près de Frankfort) ou simplement mon cœur d’enfant, mais j’aime bien les rituels entourant le solstice d’hiver et la période de l’avent jusqu’à Noël. Au Québec, les traditions entourant cette période de festivité doivent beaucoup à l’apport combiné des Français, des Britanniques, des Irlandais et bien sûr des Allemands.  Ces derniers ont apporté avec eux le sapin de Noël et ses lumières (des chandelles au XVIIIe siècle), les couronnes de Noël, le calendrier de l’avent et bien d’autres traditions qui aujourd’hui sont intégrées à  notre « patrimoine festif ». Actuellement et jusqu’au 8 décembre, face à l’Hôtel de Ville de Québec,  il y a même un marché allemand, organisé en partie par la communauté allemande de Québec.

Pendant la période de l’avent, j’ai pris l’habitude,  depuis quelques années, de consacrer mon travail en atelier à la fabrication de petits objets pratiques ou décoratifs que j’offre en cadeau à mes proches.  C’est ma manière bien personnelle de m’inscrire dans l’esprit des fêtes et de me faire croire que je suis un peu comme le Nikolas du film « La véritable histoire du Père Noël » (titre original finlandais : Joulutarina du réalisateur Juha Wuolijoki) qui dans son atelier confectionnait des jouets de bois pour tous les enfants de son village de Laponie, un film magnifique à voir et à revoir !

La forêt enchantée

J’aime bien le tour à bois en décembre, car c’est l’outil idéal pour fabriquer différentes décorations de Noël... petits sapins, bonshommes de neige et boulles de Noël !  Le tour à bois est un outil magique,  car en partant d’un rondin de bois avec son écorce on peut réaliser toutes les étapes de fabrication jusqu’à la finition complète. De plus le tour à bois est un outil zen, car pendant le tournage d’une pièce vous devez constamment vous concentrer sur la position du ciseau, la moindre distraction peut ruiner la pièce ou blesser l’opérateur du tour!


Le sapin tourné demeure mon classique de Noël... Quand je dis « sapin » je devrais plutôt parler d’un conifère, car je m’amuse à faire varier les formes de ces petits arbres miniatures.  Sans plan trop précis, je tourne des rondins qui ont un diamètre variant entre 5cm et 10cm et d’une longueur de 8 cm à 24 cm.  Autant pour les sapins que pour les bonshommes de neige je commence toujours par dégrossir la pièce en tournant  ce qui ressemble d’abord à un gâteau étagé, un empilage de cylindres du plus grand à la base au plus petit au sommet  . Par la suite je donne une forme concave ou convexe à chaque étage en utilisant une plane oblique ou un grattoir arrondi.  Des heures de plaisir !  (voir aussi mon article du 26 novembre 2015 sur le Père Noël en bois flotté)

Réunion au sommet de bonshommes de neige !
Du rondin de bois jusqu'à la forme finale

Ce gâteau étagé en bois deviendra bientôt un bonhomme de neige...en bois!

dimanche 1 décembre 2013



Après un long silence, jamorce aujourdhui un nouveau chapitre à lintérieur de ce blogue. Comme je pratique l’ébénisterie depuis quelques années (je nose mettre le nombre dannées!) jai eu loccasion dexpérimenter plusieurs techniques dassemblage avec une grande variété dessences de bois pour réaliser des projets très variés, du coffret à bijoux jusquau Kayak de mer! Jai acquis la majorité de mes connaissances techniques par la lecture de livres et de sites web comme celui-ci. Je dois lavouer, ce nest pas la manière la plus simple dapprendre l’ébénisterie, car rien n’égalera lenseignement dun maître qui est au sommet de son art. Encore faut-il en connaître un et surtout avoir du temps pour suivre son enseignement, ce qui n’était pas mon cas jusqu’à lannée dernière, car j’étais bibliothécaire à temps plein! Je ladmets demblée, la bibliothéconomie et l’ébénisterie ont peu de chose en commun, si ce nest le meuble qui sert à ranger les livres. Il y a également très peu de bibliothécaires-ébénistes ou vice et versa, car le profil des deux professions nest pas très apparenté... vous laurez facilement deviné! Pour ma part je dois sans doute mon profil hybride au fait que je viens dune famille ou la curiosité intellectuelle et le travail manuel ont été revalorisés de la même manière. Comme la bibliothéconomie est une discipline qui embrasse toutes les connaissances de lhumanité, je nai pas tardé à bâtir des ponts entre ma carrière professionnelle et celle de mon autre vie! Dune lecture à lautre et avec beaucoup dessais et derreurs, je suis doucement passé du statut de bricoleur du dimanche à celui d’ébéniste!
Je conçois et dessine la majorité des meubles que je réalise dans mon atelier. La conception dun meuble demande beaucoup de temps, il nest pas rare que cette étape soit même plus longue que la réalisation du meuble en atelier. Selon ma propre appréciation, un meuble bien fait doit répondre à quatre critères :

1.  Il doit combler efficacement le besoin pour lequel il est destiné; 
2.  Il doit être solide et résister à lutilisation normale à laquelle il est destiné;
3.  Il doit être bien proportionné et répondre à un style;
4.  Il doit être fini avec soin, incluant ses parties moins visibles.

Ces critères peuvent paraître évidents à première vue, mais si vous avez déjà magasiné sérieusement des meubles vous savez parfaitement ce que je veux dire, des meubles sans style, fragiles ou inconfortables il y en a plein les grandes surfaces!   Une fois que jai bien cerné lutilité réelle dun meuble, je débute toujours par une recherche de style. Si le meuble doit être intégré au décor dune maison ancestrale ou à celui dune maison contemporaine aux lignes épurées il faudra décider si le nouveau meuble devra se fondre au décor ambiant ou sy intégrer par contraste, le mélange des styles est toujours possible, tout étant une question d’équilibre au final. Si je dois minspirer dun style en particulier je vais orienter ma recherche vers des livres qui présentent ce style avec ses principales caractéristiques et qui donnent de nombreux exemples en photos. Avant de me lancer dans la conception dun meuble de style, je dois dabord bien assimiler ce qui caractérise le style auquel il est censé corresponde et le type dassemblage que lon doit utiliser pour bien respecter ce style. Il arrive rarement que je reproduise à lidentique un meuble d’époque, car pour moi le meuble nest pas que meublant, il a dabord une fonction, or il est rare quun meuble conçu à une autre époque puisse bien sadapter aux besoins daujourdhui. Une fois le style identifié, je dessine quelques esquisses au crayon pour camper la forme générale et les proportions du meuble. Lesquisse est la véritable étape de création, car elle permet de laisser libre court à son imagination sans être freiné par les calculs ou les aspects plus techniques dun plan datelier. Comme plusieurs ébénistes jutilise également le logiciel Sketchup (développé initialement par Google et distribué aujourdhui par Trimble) à l’étape de lesquisse, car contrairement à dautres logiciels de CAO comme Autocad, Sketchup permet autant de réaliser une esquisse rapide quun dessin datelier aux dimensions précises. Sketchup est disponible en version française et gratuite à ladresse suivante:


Après lesquisse vient l’étape du dessin datelier qui permettra cette fois de déterminer les dimensions de chaque pièce du meuble et leur méthode dassemblage. La précision du dessin est essentielle pour réduire au minimum les erreurs lors de la fabrication et pour estimer correctement les matériaux requis. L’étape de conception se termine par une liste complète des matériaux (incluant le débitage), très utile pour estimer le coût de fabrication et commander les matériaux.

Une armoire à épices


1. Armoire à épices contemporaine en érable et
 satiné rubané
Le projet que je vous présente aujourd’hui est une armoire à épices de style contemporain, mais inspiré par le style Shaker à la base. À leur apogée, au début du XIXe siècle, les communautés Shaker de Nouvelle-Angleterre étaient reconnues pour leur inventivité et leur mobilier aux lignes minimalistes sans ornementation, un mobilier d’abord conçu pour répondre à une fonction précise. Ce style préfigurait en quelque sorte la modernité, il a influencé de nombreux ébénistes jusqu’à aujourd’hui. Pour le projet actuel, j’ai donc retenu la sobriété des lignes et l’efficacité du meuble à répondre aux besoins exprimés. J’ai déjà réalisé, il y a plusieurs années, une armoire à épices dans le style victorien tout en acajou (voir photographie 2). À l’époque je m’étais donné le défi de réaliser un projet en étant le plus fidèle possible à un style classique. Cette fois je voulais simplement m’inspirer d’un style comme point de départ et me donner la liberté de créer quelque chose de nouveau.


2. Armoire à épices victorienne
En m’inspirant de petites armoires murales Shaker, j’ai conçu une armoire à épices permettant de contenir aussi bien des épices en vrac que celles contenues dans des petites bouteilles de verres cylindriques (diamètre = 1 ¾” hauteur = 3 ¾”). Contrairement aux ébénistes Shaker qui utilisaient surtout le cerisier tardif dans leurs projets, j’ai décidé pour ma part de combiner deux bois au contraste élevé soit l’érable à sucre qui est très pâle et le satiné rubané un bois d’exception qui est d’un beau rouge vif aux reflets chatoyants. L’objectif était d’utiliser l’érable pour le corps principal de l’armoire et d’utiliser le satiné rubané pour tous les éléments en façade.


Autant par solidité que par esthétisme, j’ai choisi d’assembler en queues d’aronde le corps de l’armoire ainsi que les quatre tiroirs pour le vrac. L’assemblage en queues d’aronde ajoute un niveau de complexité au projet, mais au final on obtient un assemblage très robuste et décoratif à la fois. En utilisant le satiné rubané en façade des 4 petits tiroirs et l’érable pour leurs côtés, l’assemblage en queues d’aronde traversantes donne un effet de dentelle qui fait alterner la couleur de l’érable et celle du satiné rubané.


La partie supérieure de l’armoire contient les épices conservées dans des bouteilles de verre. Le panneau qui donne accès à ce compartiment est en fait une coquille qui en recouvre une autre, ainsi une fois ouvert, on peut voir l’ensemble de la collection d’épices.


Assemblage en queues d'arondes....très solide et esthétique !



Les planchettes du fond sont embouvetées à mi-bois.
D'un seul coup d'oeil tout est visible  !