« Elle oit l’oie! » a déjà dit le grand Raymond
Devos en spectacle. Cette après-midi là, au beau milieu du « sanctuaire »
de Cap-Tourmente, des milliers d’oies ouïssaient leurs propres cris à des
kilomètres à la ronde. Un merveilleux spectacle avec deux représentations par
année, au printemps et à l’automne. Bien avant la colonisation de cette terre
par les Européens, les oies des neiges fréquentaient déjà les berges de part et
d’autre du Saint-Laurent. Leur nombre a bien sûr fluctué d’une époque à l’autre,
mais leur fidélité au site du Cap-Tourmente demeure une constante même si leur
corridor de migration a tendance à s’élargir avec l’accroissement de leur
population.
Je ne suis pas ornithologue et encore moins un spécialiste de la
grande oie des neiges, je suis simplement un des ses admirateurs à l’image du
peintre Riopelle qui allait même les observer en avion autour de son île, l’Ile
aux Grues. Il faut le dire, l’observation des grandes oies des neiges procure
beaucoup de bonheur et de paix intérieure, une véritable thérapie grandeur
nature et une source d’inspiration pour beaucoup d’artistes!
C’est en vol que l’oie des neiges révèle toute sa beauté et
encore plus quand elle vole en formation comme le font les « snowbirds »...
Où est-ce plutôt les « snowbirds » qui imiteraient les figures
aériennes de l’oie des neiges avec leurs avions, car après tout elles ont
« inventé » le vol quelques millénaires avant les humains. Chose
certaine l’oie des neiges n’a pas besoin de brûler des tonnes de gaz à effet de
serre pour s’élever dans les airs et traverser un continent à tire d’ailes.
Elles sont de parfaites « machines » aériennes avec leurs ailes à
« géométrie variable » capable de fournir une poussée ascensionnelle
forte et silencieuse, rien de comparable avec celle d’une turbine d’avion qui
déchire le ciel de son bruit assourdissant lors du décollage. Chez les grandes
oies des neiges, le vol n’est que beauté et harmonie et lorsqu’elles s’élèvent
par milliers dans le ciel, aucun humain ne peut demeurer indifférent à une
telle levée de rideau!
Je fréquente la réserve faunique du Cap-Tourmente depuis
plus de quarante ans, avec une constance comparable à sa célèbre visiteuse
ailée. J’y vais autant pour le site que pour l’oie des neiges. Je suis un
contemplatif et ma seule « arme » est mon appareil photo, il
m’accompagne la plupart du temps. Je ne compte plus les photos que j’ai prise
de cette belle nature où le Bouclier canadien rencontre les Basses-Terres du Saint-Laurent et des Appalaches. Mon
album photo du Cap-Tourmente reflète également l’évolution de ma pratique de la
photographie, sur près d’un demi-siècle (ouf, rien pour me rajeunir!). Il
m’arrive aujourd’hui de refaire les mêmes prises de vue qu’il y a quarante ans,
mais les photos ne sont jamais vraiment identiques, car la photographie demeure
l’art de la lumière dont les nuances varient à l’infini!