samedi 9 août 2014

(3e Partie)

KAYAK DE MER
Latte par latte le kayak prend forme....

Pour fabriquer un Kayak en bois latté, on peut acheter les lattes dun fournisseur (voir les références dans larticle précédent) ou les machiner soi-même. La première option est plus dispendieuse, mais plus rapide et la deuxième est beaucoup plus longue, mais offre des possibilités quasi infinies si lon souhaite ajouter une note artistique à son kayak. Traditionnellement, les kayaks et canots en lattes de bois ont surtout été fabriqués en cèdre de louest (thuya plicata, larbre symbole de la Colombie-Britannique) et en cèdre blanc (thuya occidentalis L. ou thuya du Canada) que lon retrouve au Québec, plus rarement on retrouve également des embarcations faites en acajou (swietenia humilis). On utilisait surtout ces bois en raison de leur légerté, de leur coloris et du fait quils résistent très bien à la putréfaction. Lutilisation de la fibre de verre et des résines époxy permet toutefois aujourdhui dutiliser plusieurs essences de résineux et de feuillus qui ne sont pas aussi résistantes à la putréfaction que la famille des thuyas. Puisque le bois sera littéralement « encapsulé » dans la fibre de verre et la résine époxy, le choix de lessence peut donc donner préséance à des critères esthétiques, mécaniques ou de poids. Les essences de thuyas demeurent malgré tout un très bon choix pour obtenir une embarcation performante et esthétique, de plus les thuyas résisteront mieux à une infiltration deau accidentelle provoquée par une égratignure profonde de la quille. Sur le pont du kayak et sur les côtés (au-dessus de la ligne de flottaison), on peut toutefois se permettre d’être un peu plus audacieux dans le choix des essences, notamment pour créer des motifs.




Plusieurs dessins pour en arriver à la dernière version ci-haut, une fois dans l'atelier j'ai toutefois augmenté la taille du cerf-volant sur le pont arrière.

Avant de choisir et de préparer les lattes du « Fou de l’île », jai dabord travaillé le « cosmétique » du kayak en utilisant un logiciel graphique (Corel Draw à l’époque). À partir dune vue au-dessus du pont jai simulé différents motifs, près dune dizaine au total (voir illustrations) pour finalement arrêter mon choix sur un motif assez classique pour le pont avant (alternance de cèdre rouge et de pin blanc pour obtenir un motif rayé) et avec une touche artistique sur le pont arrière : un cerf-volant en marqueterie combinant le frêne, le noyer noir et le bois de rose (voir illustration ci-haut). Jai ajouté une latte de pin blanc pour souligner la ligne de démarcation entre le pont et la coque et une bande de contour en noyer noir vient ceinturer lhiloire. Les poignées de transport à lavant et à larrière ont été façonnées dans une pièce damarante. Après l’étape du « design » complétée, jai donc pu évaluer la quantité de bois de chaque essence dont jaurais besoin pour machiner les lattes. La latte standard mesure 1/4"d’épaisseur et 3/4" de largeur et elle est machinée à la toupie pour présenter un chant concave et lautre convexe (voir illustration), ainsi les lattes pourront semboîter les unes aux autres même lorsque le profil du kayak sera courbe. Il est toutefois possible de réaliser un lattage de kayak sans machiner celle-ci en forme concave et convexe, mais il faut alors "jouer du rabot" pour ajuster langle de chaque latte. La longueur des lattes peut varier, car de toute manière pour couvrir les 17 pieds dun kayak il sera nécessaire deffectuer quelques joints, car obtenir des planches de cèdre (ou dautres essences) de 17 pieds, de surcroit droites et sans imperfections, relève du miracle! Nous le verrons plus loin il est très simple d'unir deux lattes de manière presque invisible.





Pour réaliser le Fou de l’île, jai dabord acquis chez un marchand de bois des planches (en format 4 quarts) de cèdre de louest et de pin blanc de 6’’ de largeur et de 12 pieds de longueur. Jai ensuite dégauchi (à la dégauchisseuse) chaque planche que jai ensuite passé à la raboteuse d’épaisseur pour ramener leur épaisseur à près de 7/8’’. À noter que pour réaliser ces deux étapes jai dû allonger les tables (avec des tables dappoint en contreplaqué) de la dégauchisseuse et de la raboteuse d’épaisseur en raison de la longueur des planches. Une fois à la bonne épaisseur jai découpé à la scie à ruban chaque planche en tranche de 5/16e d’épaisseur (on peut également utiliser un banc de scie pour cette opération, mais la largeur de la lame augmentera la perte de bois). Les lattes brutes ainsi obtenues ont ensuite été ramenées à leur épaisseur finale (1/4’’) par un léger passage raboteuse d’épaisseur. Finalement chaque latte a été machinée sur un banc de toupie pour obtenir un chant convexe et un chant concave, pour cela, jai utilisé une paire de mèches de toupie spécialement conçue pour façonner les lattes de kayak ou de canots (voir photographie plus bas).

Mèches de toupie indispensables pour façonner les chants des lattes: un chant concave et l'autre convexe. Ce tandem de mèches est notamment disponible chez LeeValley (www.leevalley.com).



Le lattage débute à la ligne de démarcation entre la coque et le pont et il est généralement plus simple de débuter par le lattage de la coque (voir photo ci-haut), car elle est moins complexe à réaliser, une bonne manière de se « faire la main » avant « daborder » le pont! La méthode la plus rapide consiste à agrafer les lattes sur les profils avec une agrafeuse datelier (voir illustration plus bas). Les agrafes ne doivent pas pénétrer complètement le bois, car on doit être en mesure de les retirer en glissant un tournevis (ou mieux une dégrafeuse, voir illustration) sous lagrafe. Avec une agrafeuse manuelle, lagrafe ne devrait pas pénétrer trop profondément dans la latte et le profil, laissant donc lespace nécessaire pour la retirer, si ce nest pas le cas il suffit de glisser une petite latte de bois mince au centre et sous lagrafeuse pour empêcher lagrafe de trop pénétrer.




Un autre tandem bien utile : l'agrafeuse (à droite) et la dégrafeuse. La dégrafeuse peut être remplacée par un tournevis à lame plate qui agira comme levier, mais il faut alors faire attention de ne pas trop marquer le bois avec la lame en tirant sur l'agrafe.

Contrairement à la coque, le lattage du pont se fait en progressant du dessus vers le bord, après avoir installé une latte de bordure avec la coque. Le chant de cette dernière latte ne sera pas collé à la coque puisqu'il faudra séparer le pont de la coque après avoir dégrafé l'ensemble du pont et de la coque. 
À remarquer l'utilisation de pinces et de serre-joints de type "Quick Grip" que l'on doit utiliser lorsqu'il y a trop de tension, surtout lorsque l'on doit courber certaines lattes. A ce stade le Kayak n'a pas vraiment fière allure avec des agrafes des coulisses de colle, mais le sablage, la fibre de verre et la résine époxy viendront donner un "look d'enfer" à ce qui apparaît comme un assemblage hétéroclite !


Pour dégrafer j'ai utilisé une dégrafeuse de documents à levier (celle-ci de marque Swingline)  que l'on peut se procurer dans un commerce d'articles de bureau. L'avantage de ce type de dégrafeuse c'est qu'elle ne laissera aucune marque sur le bois...autre que les 2 petits trous de l'agrafe ! 

 Pour ceux qui naimeraient pas voir les petits trous laissés dans le bois après le dégrafage il est possible dutiliser de petits serre-joints et des cales en U pour fixer les lattes les unes aux autres pendant que la colle sèche (voir illustration plus bas). Cette méthode exige de disposer dune bonne quantité de serre-joints (1 par profil) et dun peu plus de temps, car durant la période de prise de la colle (autour de 30 minutes) il sera impossible de fixer une nouvelle latte, il faut donc procéder en alternance de chaque côté du kayak pour améliorer sa cadence... et de disposer dune trentaine de petits serre-joints en C.  Cela dit, personnellement jai utilisé la méthode des agrafes et à moins de se coller le nez sur la coque, les trous sont imperceptibles. Par ailleurs comme le bois sera encapsulé dans la fibre de verre et la résine époxy, les trous nauront aucune incidence sur l’étanchéité ou la durabilité du kayak.

Une méthode alternative aux agrafes, une petite cale de bois en U maintenue temporairement par un petit serre-joint en C... nécessite un peu plus de temps et une bonne quantité de serres-joints ! 


Le lattage des bords est le plus simple, après avoir fixé la première latte on enduit son chant dun fil de colle sur toute sa longueur, ensuite on vient coller la deuxième latte sur le chant de la première en exerçant une certaine pression afin de sassurer quil ny aura pas despace libre au fond du joint. Il faut y apporter une grande attention, car la forme concave/convexe du joint ne permet pas de vérifier visuellement si les lattes sont toujours bien collées, cest souvent en voyant le surplus de colle sortir du joint que lon a la confirmation que les chants sont bien en contact. Si un espace vide persistait, vous allez malheureusement le découvrir lors du sablage des lattes, car dès que les lèvres de la forme concave seront amincies des fissures pourront apparaître dans le bordage, vous obligeant à effectuer des réparations avec de la pâte de bois ou de petites insertions de bois. 


Un filet de colle (ici une colle PVA d'ébéniste) appliqué sur le chant de la latte suffira à coller la suivante. Il est inutile d'utiliser une colle à l'épreuve de l'eau, puisque toutes les lattes seront recouvertes d'une toile de fibre de verre et de résine époxy. Notez la présence d'un ruban plastifié sur le chant des profiles, une précaution essentielle pour éviter que les lattes colles à ceux-ci !


Comme les lattes ont rarement la longueur totale du kayak, il sera donc nécessaire de réaliser quelques joints entre deux lattes. Pour y parvenir, on choisira des lattes qui proviennent de la même planche et dont le colorie et le dessin (lignes de croissance) sont les mêmes. Le « truc » est de réaliser une coupe en biseau sur lextrémité des deux lattes à unir en utilisant un petit guide à onglet artisanal (voir illustration plus bas), un peu de colle à bois et la pression dun serre-joint suffiront à créer un joint solide et pratiquement invisible. Noubliez pas que les lattes seront encapsulées dans la fibre de verre et la résine époxy, si bien quau final les joints de lattes seront aussi solides que le reste du kayak.


Une petite boîte à onglet artisanale (comme celle de l'illustration), que l'on installera dans un étau d'établi, suffira à découper un angle de 20 degrés à l'extrémité des lattes à unir. Une scie japonaise (Dozuki comme celle illustrée) est très utile mais tout autre petite scie bien aiguisée fera l'affaire. 


La réalisation des motifs sur le pont dun kayak peut se faire de trois manières : 1. Par alternance des essences de bois en suivant un patron 2. Par superposition dun placage de bois sur la surface du pont. 3. Par découpage du pont (une fois assemblée) pour créer des espacements de formes variées qui seront ensuite comblés par linsertion de lattes de différentes essences. Ces trois techniques peuvent être utilisées sur un même kayak. Ainsi, pour le « Fou de lîle », jai utilisé la 1 et la 2, la 1 pour lavant du kayak, en alternant simplement des lattes de cèdre de louest à des lattes de pin blanc, et la 2 pour réaliser le cerf-volant sur le pont arrière. La 2e technique sapparente étrangement à la marqueterie que lon pratique en ébénisterie, à cette différence près que les pièces de placage nont pas à être encastrées dans le support, elles sont donc simplement collées par-dessus la surface du pont, car une fois encapsulées dans la fibre de verre et la résine époxy elles feront corps avec le reste et on ne sentira aucune différence de niveau entre le motif et le reste de la surface, car le sablage final de la couche de résineépoxy aura égalisé lensemble de la surface. La technique 3 est beaucoup plus complexe, mais elle permet notamment de réaliser des motifs en courbe et en lacet. Je nai pas utilisé cette technique pour le Fou de lîle, car je la trouvais un peu complexe à réaliser. Cela dit il y a plein dexemples sur le web dartisans très habiles qui ont réussi de véritables chefs-d’œuvre en utilisant cette technique (voir des exemples sur le site de Guillemot kayaks: http://www.guillemot-kayaks.com/guillemot/kayak/43/pics)


...Recouverte de la fibre de verre et de la résine.
La marqueterie est collée directement sur la surface...



Dans la suite de larticle nous verrons comment se réalise le lattage qui ceinture le trou dhomme et lhiloire et comment préparer les surfaces avant de les recouvrir de fibre de verre et de résine dépoxy..... à suivre!