(3e Partie)
KAYAK DE MER
Latte par latte le kayak prend forme....
Pour fabriquer un Kayak en bois latté, on peut
acheter les lattes d’un fournisseur (voir les références dans l’article précédent) ou les machiner soi-même. La première option est plus
dispendieuse, mais plus rapide et la deuxième est beaucoup
plus longue, mais offre des possibilités quasi infinies si l’on
souhaite ajouter une note artistique à son kayak.
Traditionnellement, les kayaks et canots en lattes de bois ont surtout été fabriqués en cèdre de l’ouest
(thuya plicata, l’arbre symbole de la Colombie-Britannique) et en cèdre blanc (thuya
occidentalis L. ou thuya du Canada) que l’on retrouve au Québec, plus
rarement on retrouve également des embarcations faites en acajou (swietenia humilis). On
utilisait surtout ces bois en raison de leur légerté, de leur
coloris et du fait qu’ils résistent très bien à la putréfaction. L’utilisation de la fibre de verre et des résines époxy
permet toutefois aujourd’hui d’utiliser plusieurs essences de résineux et de feuillus qui ne sont pas
aussi résistantes à
la putréfaction que la famille des thuyas. Puisque le bois sera littéralement « encapsulé » dans
la fibre de verre et la résine époxy, le choix de l’essence peut donc donner préséance à des critères esthétiques, mécaniques
ou de poids. Les essences de thuyas demeurent malgré tout un très bon
choix pour obtenir une embarcation performante et esthétique, de plus les
thuyas résisteront mieux à
une infiltration d’eau accidentelle provoquée par une égratignure
profonde de la quille. Sur le pont du kayak et sur les côtés
(au-dessus de la ligne de flottaison), on peut toutefois se permettre d’être un
peu plus audacieux dans le choix des essences, notamment pour créer des
motifs.
Plusieurs dessins pour en arriver à la dernière version ci-haut, une fois dans l'atelier j'ai toutefois augmenté la taille du cerf-volant sur le pont arrière. |
Pour réaliser le Fou de l’île, j’ai d’abord
acquis chez un marchand de bois des planches (en format 4 quarts) de cèdre de l’ouest et de pin blanc de 6’’
de largeur et de 12 pieds de longueur. J’ai ensuite
dégauchi (à la dégauchisseuse) chaque planche que j’ai ensuite passé à la
raboteuse d’épaisseur pour ramener leur épaisseur à près de 7/8’’. À noter que
pour réaliser ces deux étapes j’ai dû allonger les tables
(avec des tables d’appoint en contreplaqué) de la dégauchisseuse et de
la raboteuse d’épaisseur en raison de la longueur des planches. Une fois à la bonne épaisseur j’ai découpé à la scie
à ruban chaque planche en tranche de 5/16e d’épaisseur
(on peut également utiliser un banc de scie pour cette opération, mais la
largeur de la lame augmentera la perte de bois). Les lattes brutes ainsi
obtenues ont ensuite été ramenées à leur épaisseur finale (1/4’’) par un léger passage raboteuse d’épaisseur. Finalement chaque latte a été machinée sur un
banc de toupie pour obtenir un chant convexe et un chant concave, pour cela, j’ai utilisé une paire
de mèches de toupie spécialement conçue pour façonner les lattes de kayak ou de canots (voir photographie plus bas).
Mèches de toupie indispensables pour façonner les chants des lattes: un chant concave et l'autre convexe. Ce tandem de mèches est notamment disponible chez LeeValley (www.leevalley.com). |
Le lattage débute à la ligne de démarcation entre la coque et le pont et il est généralement plus simple de débuter par le lattage de la coque (voir photo ci-haut), car elle est moins complexe à réaliser, une bonne manière de se « faire la main » avant « d’aborder » le pont! La méthode la plus rapide consiste à agrafer les lattes sur les profils avec une agrafeuse d’atelier (voir illustration plus bas). Les agrafes ne doivent pas pénétrer complètement le bois, car on doit être en mesure de les retirer en glissant un tournevis (ou mieux une dégrafeuse, voir illustration) sous l’agrafe. Avec une agrafeuse manuelle, l’agrafe ne devrait pas pénétrer trop profondément dans la latte et le profil, laissant donc l’espace nécessaire pour la retirer, si ce n’est pas le cas il suffit de glisser une petite latte de bois mince au centre et sous l’agrafeuse pour empêcher l’agrafe de trop pénétrer.
Une méthode alternative aux agrafes, une petite cale de bois en U maintenue temporairement par un petit serre-joint en C... nécessite un peu plus de temps et une bonne quantité de serres-joints ! |
Le lattage des bords est le plus simple, après avoir
fixé la première latte on enduit son chant d’un fil de colle sur toute sa
longueur, ensuite on vient coller la deuxième latte sur le
chant de la première en exerçant une certaine pression afin de s’assurer qu’il n’y aura pas
d’espace libre au fond du joint. Il faut y apporter une grande attention,
car la forme concave/convexe du joint ne permet pas de vérifier
visuellement si les lattes sont toujours bien collées, c’est
souvent en voyant le surplus de colle sortir du joint que l’on a la confirmation
que les chants sont bien en contact. Si un espace vide persistait, vous allez
malheureusement le découvrir lors du sablage des lattes, car dès que les lèvres de la
forme concave seront amincies des fissures pourront apparaître dans le
bordage, vous obligeant à
effectuer des réparations avec de la pâte de bois
ou de petites insertions de bois.
Comme les lattes ont rarement la longueur totale
du kayak, il sera donc nécessaire de réaliser quelques joints entre deux lattes. Pour y parvenir, on choisira
des lattes qui proviennent de la même planche et dont le colorie et le dessin (lignes de croissance) sont
les mêmes. Le « truc » est de réaliser une coupe en biseau sur l’extrémité des deux
lattes à unir en utilisant un petit guide à onglet artisanal (voir illustration plus bas), un peu de colle à
bois et la pression d’un serre-joint suffiront à
créer un joint solide et pratiquement invisible. N’oubliez pas que les lattes seront encapsulées dans la fibre
de verre et la résine époxy, si bien qu’au final les joints de lattes
seront aussi solides que le reste du kayak.
La réalisation des motifs sur le pont d’un kayak peut se faire de trois manières : 1. Par alternance des essences de bois en suivant un patron 2. Par superposition d’un placage de bois sur
la surface du pont. 3. Par découpage du pont (une fois assemblée) pour créer des espacements
de formes variées qui seront ensuite comblés par l’insertion de lattes de différentes essences. Ces trois techniques
peuvent être utilisées sur un même kayak. Ainsi, pour le « Fou de l’île », j’ai utilisé la 1 et
la 2, la 1 pour l’avant du kayak, en
alternant simplement des lattes de cèdre de l’ouest à des lattes de pin blanc, et la 2 pour réaliser le
cerf-volant sur le pont arrière. La 2e technique s’apparente étrangement
à la marqueterie que l’on pratique en ébénisterie, à cette
différence près que les pièces de placage n’ont pas à être
encastrées dans le support, elles sont donc simplement collées
par-dessus la surface du pont, car une fois encapsulées dans la fibre
de verre et la résine époxy elles feront corps avec le reste et on ne sentira aucune différence de
niveau entre le motif et le reste de la surface, car le sablage final de la
couche de résineépoxy aura égalisé l’ensemble de la surface. La technique 3 est beaucoup plus complexe, mais elle permet notamment de réaliser des
motifs en courbe et en lacet. Je n’ai pas utilisé cette
technique pour le Fou de l’île, car je la trouvais un peu complexe à réaliser.
Cela dit il y a plein d’exemples sur le web d’artisans très habiles qui ont réussi de véritables chefs-d’œuvre en utilisant cette
technique (voir des exemples sur le site de Guillemot kayaks: http://www.guillemot-kayaks.com/guillemot/kayak/43/pics)
...Recouverte de la fibre de verre et de la résine. |
La marqueterie est collée directement sur la surface... |
Dans la suite de l’article nous verrons comment se réalise le lattage qui ceinture le trou d’homme et l’hiloire et comment préparer les surfaces avant de les recouvrir de fibre de verre et de résine d’époxy..... à suivre!