Le projet de créer un secrétaire de style
contemporain m’est venu il y a deux ans quand j’ai réalisé qu’il serait très
agréable de disposer d’un petit coin travail près du foyer du salon. Dans les
années 80, j’avais déjà eu l’idée de fabriquer pour mon bureau un
secrétaire classique à cylindre en chêne rouge à partir d’un plan américain.
J’étais encore dans ma période « arts et traditions populaires » où
je reproduisais des meubles anciens. Pour mon bureau j’avais finalement abandonné
le projet du secrétaire à cylindre qui était difficile à adapter à mes besoins
informatiques, j’ai donc misé sur une surface ouverte en « L » où le
côté pratique et l’ergonomie l’ont emporté sur le style. Le projet d’un espace
travail au salon était différent cette fois, le meuble devait avoir du style,
car il est dans l’espace d’accueil de la maison, exposé à tous les regards. Par
ailleurs, comme c’est un espace de travail occasionnel je pouvais en réduire la
taille et mettre le style à l’avant plan du concept, sans toutefois trop
sacrifier sur l’ergonomie.
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Secrétaire aux lignes contemporaine en érable, érable ondé et zébrano. |
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Le caisson qui surplombe le plateau dissimule dans sa section centrale une barre électrique pour brancher portable et tablette. |
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Le luminaire de DEL demeure très discret ...mais efficace ! |
Comme à mon habitude j’ai commencé le
travail de création par une recherche de style, autant sur le web que dans les
revues spécialisées. Dès le départ j’ai constaté qu’il était difficile de
réinventer complètement le secrétaire qui regroupe une surface de travail et un
certain de nombre de rangements pour le petit matériel de bureau et la
papeterie. À l’époque de Louis XIV, le secrétaire avait atteint un tel
degré de sophistication que sa réalisation nécessitait le travail concerté de
nombreux artisans, de l’ébéniste au ciseleur en passant par le doreur et
l’horloger. Modernité oblige, même si le secrétaire d’aujourd’hui n’est pas nécessairement
un poste informatique il doit faciliter l’usage d’un ordinateur portable, d’une
tablette et de différents outils de communication. Dans sa forme classique, le
secrétaire dispose de tiroirs en dessous et au-dessus du plan de travail et
d’un cylindre qui limite l’accès à la surface de travail et aux compartiments
supérieurs. On peut comprendre qu’avant l’informatique il était nécessaire de
limiter physiquement l’accès à sa comptabilité où à ses lettres d’amour, mais
aujourd’hui le secrétaire peut facilement se départir de ses entraves et
devenir un meuble attrayant, adapté à différents usages.
Dans la conception de mon secrétaire, j’ai
décidé de conserver le principe de placer du rangement en dessous et au-dessus
du plan de travail. Je voulais également trouver une solution pratique et
élégante pour le branchement des nombreux chargeurs de nos téléphones mobiles,
tablettes, liseuses et autres « bidules » électroniques. Plutôt que
de placer une horrible barre électrique au pied du secrétaire avec tous les
fils qui pendulent de la surface de travail, j’ai décidé de dissimuler la barre
dans un compartiment fermé au-dessus de la surface de travail, ainsi la barre
électrique demeure très accessible et à la hauteur des yeux, du coup, fini les
contorsions sous le meuble pour brancher les appareils. Le compartiment de la
barre électrique est lui-même placé au centre d’un petit caisson étroit qui est
accroché à deux supports à 5’’ (13 cm) de la surface de travail. En plus
de supporter le caisson, les deux supports latéraux, réalisés en zébrano, servent
à dissimuler le filage, le transformateur et le gradateur du luminaire DEL
placé à l’avant du caisson afin d’éclairer le plan de travail. La base du
secrétaire en érable et érable ondé demeure assez classique avec un piétement à
pattes effilées et trois tiroirs sous le plan de travail. Cette base acquiert
un trait distinctif grâce aux façades de tiroirs en zébrano (connu également sous le nom de zingana son nom botanique est "Microberlinia brazzavillensis") et l’insertion de
marqueterie placée à 4’’ (10 cm) de l’extrémité de chaque patte.
Comme pour mes autres projets, j’ai
modélisé le secrétaire avec Sketchup 8 et j’ai procédé ensuite à un rendu
photographique en utilisant Kerkythea. Avant même de découper une seule pièce,
j’avais donc un très bon aperçu du « look » final de ce meuble (voir
illustration). La complexité relative du projet nécessitait un plan assez détaillé,
surtout pour bien évaluer la quantité de bois requis et choisir les meilleures
stratégies d’assemblage pour chacune des pièces.
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La tête de chaque patte comporte des mortaises pour recevoir d'un côté les traverses et de l'autre les longerons avant et arrière. Ici c'est une patte avant droite, les doubles mortaises sont destinés aux longerons avant placés au-dessus et en-dessous des tiroirs. |
Les pattes effilées de la base
ont constitué le point de départ du projet, car en plus de supporter l’ensemble
du meuble elles contribuent par leur finesse à son élégance. Il est
relativement simple de fabriquer ce type de pattes sur la scie à ruban ou le
banc de scie grâce à un gabarit. Comme j’ai déjà réalisé ce type de pattes pour
d’autres projets, j’avais déjà un gabarit pour ma scie à ruban. Ce gabarit
artisanal (voir photographie plus bas) a la particularité de s’adapter facilement à la
dimension de la patte à découper grâce à des ajustements à ses deux extrémités.
Pour assurer une plus grande stabilité de la pièce, j’ai collé du papier
abrasif (120) sur les surfaces de mon gabarit (voir photo).
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Gabarit artisanal pour couper un angle le long des pattes sur la scie à ruban. On peut ajuster l'angle de coupe en déplaçant le guide (au centre sur la photo ) à gauche ou à droite. |
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Coupe à angle sur la scie à ruban grâce au gabarit que l'on glisse comme un chariot le long du guide parallèle de la scie. |
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Plan Sketchup (version 8) du secrétaire en transparence . |
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Rendu photographique Kerkythea...assez fidèle au produit fini ! |
Dans le projet de secrétaire chaque patte
mesure 29 pouces (74 cm) elles font 1 ½ x 1 ½ (4 cm x 4cm) à la tête
et ¾ x ¾ (2 cm x 2cm) au pied. Les 5 premiers pouces de la tête de chaque
patte (section qui correspond à la ceinture du meuble), ont des côtés
parfaitement parallèles, c’est dans cette portion que sont découpés les
mortaises qui vont recevoir les tenons des longerons et des traverses. La coupe
à angle (sur la scie à ruban avec le gabarit) des 4 faces de chaque patte se
fait donc sur une longueur de 24 pouces. Pour faire disparaître les marques de
coupes laissées par la scie à ruban, j’ai raboté chaque face. Il est donc
important de laisser un peu d’espace (1/16’’ à 1/8’’) au-dessus des lignes de
coupe pour prévoir la perte d’épaisseur résultant du rabotage. Une lame de
rabot bien aiguisée laissera une surface très lisse nécessitant peu ou pas de
sablage.
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Le longeron arrière de la base avec les 4 guides de tiroir latéraux |
L’assemblage de la base du secrétaire est
assez classique : tenon-mortaise
pour les longerons et traverses et double tenons-mortaises pour le longeron
avant et celui des tiroirs. J’ai réalisé la découpe de toutes les mortaises à
la mortaiseuse (installée sur une perceuse à colonne) alors que les tenons ont
été façonnés sur un banc de toupie. Les assemblages en queue d’aronde des
tiroirs (mi-aveugles en façade et traversants à l’arrière) ont été réalisés à
l’aide d’une toupie et d’un gabarit à queue d’aronde Porter-Cable. Le collage
de la base a été réalisé en trois étapes :
- Les longerons de façade et les
deux séparateurs verticaux des tiroirs (voir photo)
- Le longeron
arrière, les guides de tiroir avec l’ensemble 1 (voir photo)
- Finalement les 4 pattes, les traverses avec
l’ensemble 1 et 2
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Collage des longerons aux diviseurs de tiroir |
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Collage des longerons arrière et avant et des guides de tiroir |
En procédant en 3 étapes cela permet de
réaliser un meilleur assemblage tout en réduisant le stress associé au temps de
prise de la colle PVA, qui varie généralement entre 15 et 30 minutes en
fonction du degré d’humidité de l’atelier. Le plateau est finalement fixé à la
base par trois vis situées sous le longeron avant et par 7 tasseaux de support
qui s’insèrent dans des rainures (réalisées à la toupie) dans le longeron arrière
et dans les guides latéraux de tiroirs, cette méthode d’assemblage permet de
compenser les mouvements saisonniers du plateau composés de plusieurs planches
laminées.
La partie plus « innovante » de
ce projet demeure sans contredit son caisson qui est suspendu au-dessus du
plateau, accroché à deux supports en zebrano qui évoquent la forme de livres
fermés. Le caisson et ses supports ont un panneau arrière amovible ce qui
permet d’installer la barre électrique, le transformateur basse tension pour
alimenter le ruban de lumières DEL, le gradateur basse tension (12v) et de
faire circuler le filage nécessaire. Le panneau arrière des supports est
maintenu en place par deux aimants circulaires alors que celui du caisson est vissé.
Le ruban de lumière DEL est collé au fond d’un luminaire DEL en aluminium,
en fait il s’agit d’un profil d’aluminium sur lequel se fixe un diffuseur de
polymère, le profil est lui-même encastré dans une rainure de 11/16’’ (environ
20 mm) de largeur et de ¼’’ (6 mm) de profondeur et couvre la largeur
complète du caisson soit 36 pouces (91 cm). Les composantes de ce système
d’éclairage sont disponibles chez Lee Valley.
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Assemblage d'un support en zébrano avec des goujons. |
La finition se résume à l’application de 3
couches de vernis acrylique semi-lustre. Ce type de vernis offre l’immense
avantage de conserver la teinte naturelle de l’érable et d’accentuer le
contraste entre l’érable et le zébrano.