Il y a une trentaine d’années, j’avais fabriqué pour mon fils une épée et un bouclier de bois. Si l’épée a survécu à trois décennies, le bouclier est disparu sans laisser de trace. J’ai restauré l’épée et je l’ai offerte en cadeau à mon petit-fils, mais un chevalier sans bouclier demeure vulnérable aux assauts de l’ennemie ! J’ai donc décidé de refaire le bouclier, mais avec trente années d’expérience de plus je me disais que je pouvais sûrement améliorer le modèle. En effet, la première version avait été taillée dans une feuille de contreplaqué de 1/4’’ d’épaisseur, que j’ai courbé du mieux que je pouvais en utilisant les 2 membrures courbes qui servaient à supporter la poignée du bouclier. Le résultat était moyen, car le contreplaqué était trop rigide pour bien épouser la forme des membrures, et ce, même si j’avais pratiqué des rainures à mi-bois pour l’assouplir.
Pour réaliser la version 2.0 du bouclier, j’ai décidé de m’inspirer de la technique pour fabriquer un kayak en lattes de bois. J’ai donc construit un moule ayant la même courbure (le bouclier a 16’’ de largeur et le rayon de courbure est de 3’’) que le bouclier et j’ai préparé des lattes en pin de 3/8’’ d’épaisseur, de 3/4’’ de largeur et de 24’’ de longueur que j’ai ensuite collés (colle PVA extérieur) par les chants en les appliquant sur le moule. Le moule a été découpé dans un panneau de MDF de 1/2’’ d’épaisseur, des trous de 1’’ de diamètre ont été percés à espacement fixe près de la courbe afin d’y insérer les mors fixes des serre-joints. Une fois les lattes collées entre-t-elle j’ai taillé à la scie à découper la forme caractéristique en écu (rectangle se terminant en pointe vers le bas) du bouclier. Au moyen-âge le mot « écu » désignait d’ailleurs un bouclier !
Comme je l’ai mentionné précédemment, la poignée du bouclier se compose de deux membrures sur laquelle est fixé un goujon de 3/4’’ de diamètre et une courroie en cuir ou en fibres tissées. Le « chevalier » glisse son bras sous la courroie et vient saisir avec la main le goujon servant de poignée. Cette configuration permet d’avoir un bon contrôle du bouclier. Les membrures ont été taillées dans des planches de cèdre (bois léger) d’un pouce d’épaisseur, elles ont été collées (colle PVA extérieur) et clouées à la surface interne du bouclier. J’ai collé un coussinet (en minicell) sous le goujon pour protéger les jointures du chevalier !
Comme pour les chevaliers médiévaux, le bouclier est orné d’un signe héraldique distinctif. L’utilisation d’un signe distinctif sur le bouclier remonte à l’époque des croisades. Dans son encyclopédie médiévale, Eugène Viollet le Duc, précise que lorsque les armées occidentales partirent à la conquête du saint sépulcre, la nécessité de se distinguer de l’ennemie devint rapidement essentielle. Les croisées venant d’un peu partout en Occident, il était nécessaire d’identifier même de loin, qui était de votre côté ! Pour cette raison les signes étaient souvent simples et très colorés. Composés de figures géométriques au début des guerres saintes (triangles, croix, créneaux, damiers, etc.) les signes se sont développés au fil du temps et des animaux stylisés (aigle, dragon, canard, poisson, etc.) se sont ajoutés au vocabulaire héraldique. Pour le bouclier de mon petit-fils, j’ai choisi « l’aigle éployée » pour son lien avec les origines allemandes de ma famille (Bayer… devenu Payeur en Amérique) et surtout pour le côté flamboyant de cet aigle aux ailes grandes ouvertes ! La forme très stylisée de l’aigle avait toujours pour but d’être facile à identifier, même de très loin.
L'aigle éployée, présentée dans le tome 1
de l'encyclopédie médiévale de Viollet le Duc
publié par Inter Livres, p.130.
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Un chevalier sans peur et sans reproche, prêt au combat !! |