Comme la majorité des humains, face à la
remarquable capacité de notre cerveau à résoudre des problèmes et à nous faire prendre conscience de
notre existence, j’arrivais facilement à la conclusion que notre émergence
comme être pensant constitue une sorte d’aboutissement ultime du processus
évolutif de la nature nous plaçant au sommet du règne animal. Comme je n’adhère plus à aucune
religion, j’ai bien sûr écarté l’hypothèse d’un Dieu créateur qui aurait fait
l’homme à son image, comme l’ont affirmé
quelques illuminés (lire prophètes !) qui avaient la prétention d’être branchés directement sur le
téléphone céleste ! Mais dans un cas comme dans l’autre est-ce que l’on peut
vraiment affirmer que la vie intelligente et consciente est un si « bon
coup » pour l’ensemble de la Nature ? La capacité de l’espèce humaine à
s’adapter à presque tous les environnements est sans doute extraordinaire pour
sa propre survie, mais en quoi est-elle bénéfique à la biodiversité et à
l’équilibre de la planète? Force est de reconnaître que l’avidité de l’espèce
humaine est à l’origine de l’une
des plus grandes extinctions d’espèces animales et végétales que la planète a
connues ! On peut donc s’interroger sur la valeur réelle de sa contribution.
En terme proprement scientifique
on ne peut affirmer que l’espèce humaine est une « erreur » de la
nature. La notion d’erreur est humaine,
la science se contente plutôt d’observer et de faire des constats. Dans
le passé lointain de la Terre, il y a eu d’autres extinctions massives d’espèces
attribuables à des météorites ou des éruptions titanesques de volcans, des
phénomènes tout aussi naturels que l’on ne peut pas qualifier
« d’erreurs ». La différence aujourd’hui c’est que l’extinction
massive est attribuable à une espèce pensante et supposément « consciente »
de l’impact de ses actions. En fait, les humains sont effectivement conscients de
leurs actions, mais à une échelle qui est loin d’englober la planète et qui est
surtout orienté en fonction d’une satisfaction immédiate sans égard aux
conséquences sur l’environnement. Malgré
son organisation collective, ses lois et ses règlements, l’espèce humaine
n’arrive pourtant pas à agir de manière à préserver les véritables ressources naturelles
qui sont essentielles au soutien de la vie (ce qui exclut le pétrole !) incluant
la tienne ! Comme l’humain est le roi de la triche et de l’opportunisme, il
arrive constamment à enfreindre ses propres lois et traités. Ainsi, malgré le
protocole de Kyoto (signé en 1997), malgré tous les beaux discours sur la
nécessité de réduire les gaz à effet de serre, la quantité de gaz émis augmente
chaque année. Entre 1990 et 2006, la production de CO2 a progressé de 33,4% à
l’échelle mondiale. À part quelques rares pays, dont l’Allemagne, qui ont
réussi à abaisser (-13,4%) leur émission de GES pendant la même période,
d’autres pays comme la Chine (+151,7%), le Canada (+28%) et les États-Unis
(+16%) ont haussé leurs émissions de GES de manière significative. Il en va de
même pour les quotas de pêches, d’exploitation des forêts ou de chasse des
espèces menacées. En fait, la tricherie est présente un peu partout où les
humains agissent, au Québec nous n’avons qu’à penser à certains bureaux d’ingénieurs et à certains élus
municipaux qui ont eu recours à la collusion et à la corruption pour contourner
les règles d’attribution des contrats par les villes !
Plus jeune, j’imaginais que l’être humain
avait été créé par l’Univers (dans l’hypothèse où l’Univers est une entité
quelconque consciente de son
existence! ...on n’est pas loin de Dieu
bref !) pour se doter d’un observateur conscient, car je me disais à
quoi bon mettre au monde des galaxies, des étoiles, des systèmes planétaires et une nature vivante, si en fin de compte il n’y a aucun
observateur conscient pour apprécier le spectacle ? Mais la science nous enseigne que l’apparition de l’espèce
humaine est le résultat d’une longue chaîne évolutive qui a probablement
démarré par une algue bleue au bord de l’océan. Nous devons donc notre
émergence du néant à un cocktail chimique à base de carbone et brassé par
différentes forces et par beaucoup de hasards sur quelques millions d’années.
Bref l’espèce humaine n’est pas le résultat d’un « dessein
intelligent » comme certains le prétendent (les créationnistes entre autres) mais bien le fruit de la
chimie organique et de la sélection naturelle des espèces comme l’a démontré Charles Darwin. Notre conscience d’exister et de
devenir un observateur de l’Univers est apparue progressivement par le
développement de notre cerveau. Mais cette conscience d’exister est en quelque
sorte un « effet secondaire » de l’intelligence, car nos capacités
mentales étaient d’abord et avant tout requises pour assurer notre survie et
notre reproduction, à l’image de
nos cousins les autres primates.
On peut observer la progression de la conscience dans le développement
d’un nourrisson qui commence par découvrir que la main qui s’agite devant ses
yeux lui appartient et qu’il peut la contrôler, par la suite sa motricité se
développera et il commencera par explorer son corps, son berceau, sa chambre et
le reste de la maison en se traînant puis en titubant et très graduellement, dans
la petite enfance, il deviendra un
observateur du monde qui l’entoure en prenant d’abord conscience de sa propre
existence, en se reconnaissant
dans un miroir par exemple(entre 1 ½ an et 2 ans).
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De la naissance jusqu'à la fin de nos jours notre conscience d'exister évolue |
Bien sûr, le
développement de la conscience ne s’arrête pas à la petite enfance, en fait chaque être humain raffine tout
au long de sa vie sa perception du monde grâce aux connaissances qu’il accumule
et aux relations qu’il développe avec ses semblables et l’ensemble des êtres
vivants de la planète. Nous sommes donc assez différents sur le plan de la conscience, car notre manière d’appréhender le
monde dépend énormément de notre degré de curiosité, de notre éducation et de
l’influence de notre milieu. Bref
l’univers de certains peut se terminer au bout d’une ruelle alors que pour
d’autres il s’étend à l’infinie,
au-delà des plus lointaines galaxies ! Mais dans un cas comme dans
l’autre c’est souvent le cerveau reptilien qui prend le dessus de telle sorte
que notre conscience du monde extérieur se trouve inféodé à nos besoins
primaires et à des décharges d’hormones ! De plus, chaque individu doit
composer avec un bagage génétique qui prédétermine plusieurs variables qui
auront une profonde influence sur son comportement et sa perception du monde
extérieur. Si la conscience d’exister peut apparaître aux yeux de certains
comme un « miracle » pour d’autres elle sera ressentie comme une
véritable calamité au point de vouloir s’en soustraire par tous les
moyens, incluant le suicide. La conscience individuelle est parfois
altérée par la maladie mentale ou physique et un rien peut nous faire basculer
de la « normalité » à un état pathologique et souvent de manière très
insidieuse. Ainsi, des hommes d’État ont gouverné des pays pendant des années avec
des problèmes psychologiques graves qui ont affecté leur perception et leur
jugement au point de provoquer des conflits et des crises humanitaires majeures...les
exemples ne manquent pas, même au XXIe siècle!
Dans un monde idéal, nous devrions tous
développer un genre de « conscience universelle » qui nous
permettrait de mesurer constamment
la portée réelle de nos gestes. Mais dans la réalité cet objectif
est complètement utopique, car il est impossible d’harmoniser les consciences
individuelles qui sont autant de mondes parallèles. La conscience d’exister
amène certains à créer de la beauté par la peinture ou la littérature et
d’autres à mettre le feu et à tuer leur semblable au nom d’une croyance ou
d’une idéologie. Pourtant la
vérité n’appartient à personne, car « la vérité » est une autre
invention humaine dont le sens varie en fonction du point de vue comme la
notion de bien et de mal.
Poser la question sur le sens de la
conscience nous amène invariablement à poser la question sur le sens de
l’Univers et de son existence. La
science demeure impuissante à répondre à cette grande question, elle peut
expliquer en partie le fonctionnement de l’Univers et de son origine jusqu’au
temps de Plank, soit une fraction
de seconde après le Bing Bang (10-43 sec.), mais elle ne peut voir
au-delà du Bing Bang et encore
moins donner un sens à tout ce déferlement d’énergie émergent d’une singularité
ou toute la matière de l’Univers était contenue dans une minuscule tête
d’épingle. Une réalité physique difficile
à cerner par notre « petite conscience humaine » qui n’apprécie bien
les choses uniquement lorsqu’elles sont à sa portée et qu’elles ont des
dimensions finies. On peut alors
comprendre nos ancêtres qui ont littéralement « inventé » un sens
spirituel à l’Univers afin de calmer leurs angoisses face à la mort et à
l’absence de réponse sur le sens profond de leur existence et celui de
l’Univers. Les religions sont alors
nées et comme toujours les tricheurs les ont utilisés pour mieux dominer
leurs semblables ou justifier leurs pires actions.
Si la conscience d’exister est une variable
positive pour l’Univers, la race humaine aura un avenir dans le cas contraire
c’est la Terre elle-même qui effacera cette « erreur », non pas par
vengeance, car elle n’a pas de sentiment, mais uniquement par principe d’équilibre. En modifiant le
climat par les GES, en vidant les océans par la surpêche ou en rasant les
forêts pour accroître les monocultures, l’espèce humaine démontre par le fait
même que sa conscience d’exister n’a vraiment rien d’universel et qu’elle est
plutôt toxique pour l’environnement, car elle en sabote constamment l’équilibre.
Ce que j’observe autour de moi m’amène à penser que l’espèce humaine pourrait
très bien disparaître comme les dinosaures, laissant derrière elle des
ossements, de vieux oléoducs rouillés
et des tonnes de matière plastique dispersés dans des océans sans vie. Le
dernier rapport du GIEC ne fait d’ailleurs que confirmer que l’espèce humaine
se dirige tout droit dans le mur si elle ne fait pas « consciemment »
marche arrière rapidement... Mais comment persuader une civilisation de tricheurs
de suivre ce conseil ?
Finalement, je crois bien que mon intuition de jeunesse était la
bonne : la conscience
d’exister n’aura un sens uniquement lorsque nous deviendrons des observateurs sensibles
et admiratifs de la nature et que cet état nous amènera à vivre en harmonie
avec notre environnement... Mais aujourd’hui je doute que nous puissions y
parvenir, la conscience intelligente n’aura donc été qu’un autre essai raté
pour l’Univers.