Il est 11h10, nous venons d'entrer chez ma fille, cette dernière affiche un grand sourire et nous demande: "Vous n'avez pas d'objection à dîner un peu plus tard aujourd'hui ? disons après 13h....j'ai une surprise pour vous à midi pile !" Elle installe le questionnement dans nos têtes.... Ma fille est la championne des surprises, on peut donc s'attendre a tout. La veille elle nous avait parlé de l'un de ses amis qui organisait des excursions pour observer les grizzlis dans leur habitat, était-ce celà ? Non, impossible ! Pas pour une heure et sûrement pas en milieu de journée où les grizzlis ont plutôt tendance à se cacher du soleil et à roupiller dans un coin sombre...Une sortie en rafting ? Non plus, car déjà cochée dans notre carnet d'activités...le mystère s'épaississait ! Vers 11h30 elle nous demande de la suive en voiture. Nous quittons son quartier et nous nous dirigeons vers la Bow Valley Trail en direction de l'est dans le même secteur que notre terrain camping à 2 kilomètres de chez elle... à peine quelques centaines de mètres après le camping le clignotant de sa voiture nous signale un virage à gauche....Nous nous engageons dans le stationnement de l'héliport de la compagnie "Alpine Helicopters"... Serions-nous sur le point de réaliser un vieux rêve, celui de survoler les Rocheuses en hélicoptère ? Une fois stationné ma fille me confirme avec son plus beau sourire qu'elle nous a "booké" un vol de 35 minutes en direction du Mont Assiniboine qui culmine à 3616 mètres d'altitude... Stupéfaction, je comprends maintenant pourquoi elle a insisté pour que j'apporte mon appareil photo...Nous sommes sous le choc de la surprise, comme figés !
Notre hélicoptère, un Bell 407, sur le tarmac de l'héliport , très endommagé par le
débordement du Cougar Creek.
10-4 ... Nous venons de décoller et tout va bien... pour le moment !
Nous survolons la "Bow Valley" et la fameuse rivière Bow au centre, celle qui a inondé la
transcanadienne, le chemin de fer et quelques jours plus tard Calgary plus à l'est.
Pas le temps de figer longtemps, le moteur de l'hélico tourne déjà et le pilote complète son check list. Pendant ce temps nous sommes invités à visionner un court vidéo sur la sécurité et la manière d'embarquer et de débarquer de l'appareil...en baissant la tête, car le rotor tourne déjà !!! Pas de traînerie, on nous attribue rapidement un numéro de place et nous nous dirigeons sur le tarmac en suivant un tracé jaune au sol. Nous sommes 5 passagers et le pilote à bord, j'occupe la place derrière le siège du pilote. Une fois à bord on boucle la ceinture et on enfile le casque avec microphone qui nous permettra de communiquer entre nous et avec le pilote. Ce dernier est dans la jeune trentaine, mais semble très compétent et n'est pas avare de commentaires. Face à moi, un américain de San-Francisco, son épouse et sa jeune fille sont les autres passagers du vol. Je lui explique que nous venons de la Ville de Québec et que nous parlons français....surprise, il se met à me parler en français, je comprends que son épouse, qui a la chance d'être assise au côté du pilote est française d'origine. Pendant le trajet elle va d'ailleurs s'amuser à nous traduire certaines explications du pilote parfois difficile à comprendre en raison du bruit ambiant.
Un des sommets à l'approche du Mont Assiniboine
Contrairement à un avion un hélicoptère décolle à la verticale et contrairement à un avion l'hélicoptère n'a pas à prendre de la vitesse au sol pour décoller, c'est la vitesse de rotation du rotor et des palles (on parle ici de voilure mobile, comparativement à un avion qui a une voilure fixe) qui y sont rattachées qui va permettre la portance de l'appareil...et sans crier gare vous vous retrouvez à plusieurs mètres du sol et par une simple inclinaison du rotor vers l'avant, l'appareil avance. Le point de vue change rapidement , en quelques secondes nous sommes déjà à 300 mètres du sol et en moins de 5 minutes nous atteignons 3000 mètres, nous sommes maintenant à la même hauteur que les plus hauts sommets de la chaîne Rundle qui longe la Bow Valley. Dur dur pour les oreilles qui finissent par débloquer au bout d'un certain temps. Mais le paysage qui défile sous nos yeux fait oublier bien des petits malaises dont un léger mal des transports. Nous nous dirigeons vers le Mont Assiniboine en contournant différents cols. La vue est splendide et nous fait prendre conscience de l'étendue de l'arrière pays, car dans la vallée nous ne voyons que la façade de certaines montagnes, derrières elles il y en a une multitude que nous avons tendance à oublier trop facilement. L'hélicoptère a quelque chose de magique, elle nous permet de voir ce que nous pourrions atteindre après quelques jours de trekking avec l'entrainement et tous les riques que cela comporte. Pour certains résidents de Canmore l'héliport est perçu comme une nuisance, surtout pour ceux qui sont dans l'axe de déplacement des appareils, mais il faut avoir fait l'expérience une fois pour se rendre compte de l'énorme potentiel de ce moyen pour admirer l'un des plus beau point de vue de la planète. Je fréquente la vallée depuis près de douze ans et grâce à l'hélico j'ai maintenant une perception très différente du territoire qui l'entoure.
Un glacier que nous avons vu de près...
....et d'un peu plus près !
Le vol se déroule en douceur, à l'approche des glaciers au sommet des montagnes le pilote nous prévient qu'il y aura des "bumps" car l'air devient instable lorque que les courants chauds qui remontent le long des parois à partir de la base des montagnes rencontre l'air froid dégagé par les masses de glace au sommet. Un peu de vibration tout au plus et les palles qui claquent , nous voilà en face d'un glacier près du mont Assiboine dont nous pouvons apercevoir le sommet entre deux crêtes. L'instant est solennelle comme si nous entrions dans une cathédrale. Face à nous un glacier d'un bleu turquoise que nous frôlons d'assez près pour voir le ruisellement de l'eau de fonte le long de ses parois et même quelques blocs de glaces qui s'en détachent...Silence radio, personne n'appui sur le petit bouton qui permet de communiquer entre nous, nous sommes en communion avec cette nature brutte, si loin de nos références visuelles habituelles, c'est du cinéma 3D en réalité très augmentée !
Au centre de l'image la découpe du sommet du Mont Assiniboine
Des parois rocheuses très impressionnantes lorsque vous les frôlez en hélicoptère
Jouez à saute mouton par dessus les sommets.... belle expérience !
Des sommets à perte de vue !
Oups....le pilote change de cap, la cabine bascule d'un coup vers la gauche mais mon oreille interne droite qui fonctionne de manière approximative depuis quelques années perçoit la manoeuvre avec un léger décalage, je cherche donc pendant un instant le petit sac blanc du mal des transports, mais il n'y a rien !!! Comme personne ne semble dérangé par la manoeuvre, mon orgueil de mâle agit comme un comprimé de gravol, jusqu'au moment où ma conjointe actionne son petit bouton et me glisse à l'oreille: " j'ai un peu mal au coeur" ...Oups le gravol virtuel agit moins bien tout d'un coup... je lui conseille alors, en faisant mine d'être en contrôle de la situation, de regarder au loin et de bien respirer, ce que je mets en pratique moi-même, car depuis le départ je ne cesse d'avoir le nez rivé sur l'écan LCD de mon Canon T2-i afin de croquer le maximum de souvenirs de cette aventure unique. L'hélico se stabilise et nous prenons le chemin du retour, nous devrions tenir bon sans gerber, mais nous avons tout de même hâte de retrouver le plancher des vaches ! Reste que l'expérience en vaut le coup, nausée ou pas !
Le Cougar Creek qui a emporté des maisons sur son passage est maintenant un désert
de roches. Les crus en montagne sont soudaines, elles disparaissent comme elles sont
venues ! Au centre la transcanadienne qui a été reconstruite.
Nous sommes de retour dans la Bow Valley, nous survolons pendant un moment la transcanadienne et nous découvrons l'étendue des dégâts occasionnés par le débordement du Cougar Creek et de la Bow River. A plusieurs endroits la transcanadienne a été rapréciée en vitesse afin que la circulation reprenne. Même l'héliport où nous allons nous poser dans quelques minutes avait été lourdement endommagée par la cru démesurer du Cougar Creek. L'héliport est en vue, le pilote décrit un long S et "gare" son appareil au bout d'une rangée de quatre autres hélicoptères, nous atterrissons en douceur comme sur un lit de guimauves. Nous sortons de l'appareil un peu voutés sous les palles qui tournent encore à grande vitesse. Nous suivons la petite ligne jaune au sol et nous entrons dans le petit bâtiment d'accueil de l'héliport. Nous récupérons la voiture dans le stationnement et nous nous dirigeons chez ma fille en espérant que notre cerveau finira par atterir lui aussi et que nous ne garderons que le souvenir des beaux paysages que nous avons admiré du haut du ciel.