La traversée du Canada est maintenant
derrière moi, il était grand temps que je remette les pieds dans mon atelier
puisqu’avant mon départ j’avais déjà une liste de projets à réaliser. J’ai ouvert la « machine »
avec un petit projet que mon fils m’avait « commandé » depuis
quelques mois déjà : un petit tabouret à tout faire...pour accéder à des armoires hautes ou
s’asseoir à la hauteur des roues d’un vélo pour l’entretien. Je me souviens qu’il y a très
longtemps, lorsque j’étais sur les bancs d’école à Beauport dans les années 60,
nous avions réalisé un petit tabouret en pin pendant le cours de menuiserie. Ce
cours était obligatoire pour les garçons comme l’était le cours d’enseignement
ménagé pour les filles... une autre époque me dites-vous ? Au-delà de la question du renforcement
des stéréotypes que nous pouvons dénoncer aujourd’hui, ces cours pratiques nous
ont tout de même été utiles pour la suite de nos vies ! J’aurais bien aimé que
le cours d’enseignement ménagé puisse également être accessible aux garçons à
l’époque, car j’aurais pu y acquérir des bases en cuisine, nettement plus utile
dans la vie que d’apprendre la liste des péchés capitaux au cours
d’enseignement religieux ! Mais
loin de moi l’idée de juger le passé avec les yeux d’aujourd’hui, je vais donc
revenir à mes moutons.... le tabouret !
Ce n’est pas pour rien que nous réalisions
un tabouret au cours de menuiserie, car dans ce projet simple il y avait
plusieurs bases du travail du bois.
Bien réalisé un tabouret ou un « petit banc », comme nous
disions à l’époque, peut survivre à un usage intensif sur plusieurs décennies
et même être légué en héritage à la prochaine génération. Dans un monde où le plastique et
l’éphémère dominent, cette durabilité peut paraître démodée, mais lorsque l’on
prend conscience que les déchets de matières plastiques envahissent même le centre des océans et qu’ils ont
des effets sur la santé animale et humaine, le « petit banc de bois »
prend alors une tout autre valeur.
Avant de concevoir un projet à partir de
zéro j’ai l’habitude de consulter d’abord ma bibliothèque, pour un
bibliothécaire de profession, rien de plus normal comme réflexe! Pour le tabouret j’ai pensé
immédiatement au mobilier Shaker, qui se caractérise par son côté utilitaire et
pratique. J’ai effectivement
trouvé plusieurs modèles de tabourets dans le livre de John G. Shea, Making authentic Shaker furniture, Dover
Publications inc, New York, 1971 (publié pour la première fois en 1922 !)
entre les pages 106 et 109. Mais
finalement, aucun des modèles retrouvés dans ce livre ne me convenait vraiment,
c’est plutôt dans le numéro 154 (février 2002) de la revue FineWoodWorking (The Taunton Press) que j’ai trouvée un
tabouret aux formes simples, très près des lignes du mobilier Shaker, mais un
peu plus contemporain ! Pour les
lecteurs assidus de Fine WoodWorking, l’article sur ce tabouret (A Sturdy
Footstool... Un tabouret robuste en français) est signé Mario Rodriguez un collaborateur régulier de la
revue, dont on reconnaît à chaque fois le souci de la précision. Le tabouret de M. Rodriguez est construit en acajou d’un
pouce d’épaisseur (fini) et
comporte des « tenons traversants » qui sont bloqués dans les
mortaises par des coins en noyer noir, ce qui ajoute du même coup un élément
décoratif.
Le tabouret avec ses tenons traversants et ses coins en noyer noir.
Les 3 tenons et les 3 mortaises de chaque côté sont inclinés à 10˚. Remarquez le petit
épaulement de 1/16e de pouce à la base des tenons.
J’ai pris certaines libertés par rapport au
plan de la revue. J’ai d’abord
remplacé l’acajou par de l’érable à sucre, moins dispendieux, mais surtout plus
dur (densité de 0,72 comparativement
à 0,54 pour l’acajou) et plus résistant au marquage. Pour sauver un peu
de temps dans la préparation des planches j’ai acheté des planches en format
4/4 (ou 4 quarts) que j’ai ramené à 7/8e de pouce fini avec la
raboteuse d’épaisseur. Pour
obtenir 1 pouce fini de planche, comme dans le plan d’origine, j’aurais dû me
procurer des planches en format 6/4 me laissant alors plus de perte de bois au
final. Cette petite modification
d’épaisseur a entraîné quelques modifications sur le plan d’origine, mais rien
qui ne compromette le design général et encore moins la robustesse de
l’ouvrage. J’ai toutefois conservé
les coins en noyer noir, qui sur le fond pâle de l’érable se détachent encore
mieux.
Comme le mentionne l’auteur de l’article,
la clé de ce projet repose sur deux éléments essentiels : l’utilisation
d’un dessin grandeur nature du tabouret et de gabarits simples permettant
d’obtenir la précision voulue pour réaliser des tenons et mortaises traversants
inclinés à 10˚. En effet, même avec ses formes simples le défi de ce projet réside
dans son piètement incliné à 10˚ qui assure la stabilité du tabouret. Trois
gabarits permettent d’obtenir la précision nécessaire dans l’assemblage
tenons/mortaises : 1. un petit guide de bois pour tracer l’emplacement des
tenons et des mortaises sur les pièces; 2. une rampe inclinée à 10˚ pour percer
avec la perceuse à colonne des trous guides pour les mortaises; 3. un gabarit,
également incliné à 10˚, pour tailler les mortaises avec l’aide de ciseaux à
bois.
Une rampe inclinée à 10˚ permet de percer des trous guides pour les mortaises, Les trous sont percés à l'aide d'une mèche Fostner de 3/4"
Voici le gabarit pour guider les ciseaux qui servent à équarrir les mortaises en conservant un angle de 10˚.
Le résultat final est un tabouret robuste et stable qui peut s’intégrer à un décor moderne comme à un décor plus traditionnel. J’ai appliqué un vernis satiné à l’eau de qualité plancher ... quatre couches en semblant entre chaque couche avec un papier 220.