vendredi 28 février 2014

Un bien drôle d'oiseau - chronique cubaine (suite)

Depuis quelques matins, je me lève un peu avant le soleil. J’enfile rapidement l’uniforme du parfait touriste (t-shirt, short et gougoune) j’attrape au passage mon sac à photo et hop, je me dirige d’un pas rapide vers la plage située à moins de 5 minutes de notre « bungalow ». Le soleil va se lever vers 6 h 45, il a déjà ses spectateurs, certains sont déjà à l’eau d’autres se réveillent près d’une bouteille vide, sans doute étonnés de se retrouver là!   Je suis également là pour le soleil, mais pas exclusivement, car il y a quelques jours trois pélicans et une buse à queue rousse m’ont passé sous le nez... Bien sûr je n’avais pas mon appareil, seulement une serviette de plage et un verre de « Cuba libre » à la main, très frustrant pour un photographe... même amateur! Alors cette fois, armé de l’équipement adéquat, j’étais bien déterminé à capturer en images toute la faune aviaire qui fréquente « la playa » avant que la horde des bronzés et des brûlés ne l’envahisse pour la journée! Il vente le drapeau rouge invite les baigneurs à ne pas s’aventurer trop loin et les oiseaux sont encore rares à survoler la playa... Entre temps, le soleil se lève rapidement au-dessus de l’horizon, le spectacle est magnifique une lumière chaude et dorée m’enveloppe, elle annonce une autre belle journée au-delà des 30 o!
Le drapeau rouge est levé - attention prudence les vagues sont plus fortes ce matin !

Une buse à queue rousse... très pratique le drapeau rouge pour scruter l'horizon et le garde-manger !
Peu après le lever du soleil, la lumière plus intense me permet d’ajuster la vitesse d’obturation de mon appareil photo à des valeurs suffisantes pour immobiliser le vol d’un oiseau en utilisant un objectif  de 300 mm à main levée. La buse à queue rousse est la première à entrer en scène, elle s’installe de manière très impertinente sur le drapeau rouge de la plage, son perchoir lui permet de surveiller aussi bien la plage que le bosquet adjacent. Sa capture photographique sera simple, car elle est placée dans l’axe du soleil levant, clic! Elle est maintenant dans ma petite boîte. Les pélicans, les vedettes de « la playa », se font attendre comme de véritables vedettes! J’attendais depuis une heure que l’un d’entre eux plane au-dessus des vagues, lorsque tout à coup, au loin, deux silhouettes se profilent, l’envergure des ailes ne laisse aucun doute sur l’identité des oiseaux... Pélican brun droit devant! Ouvrez le sabord, pointez le « Canon » en mode rafale, je suis prêt à « faire feu », clac, clac, clac! J’ai maintenant une bonne dizaine de photos du roi de « la playa » dans ma petite boîte noire.... rien de vraiment génial cependant, j’espérais qu’il plonge comme il l’a fait devant moi au moment je n’avais que mes yeux pour l’observer. Bon! M’enfin mon tableau de chasse n’est pas si mal, avant de quitter la plage j’ai même réussi à « capturer » quelques mouettes à tête noire qui couraient en groupe devant les vagues.


Le seigneur de "la playa",  le pélican brun.
Mouettes à tête noire défiant les vagues.

Le train-train du tout-compris reprend, nous avons une grave décision à prendre : débuter la journée à la plage ou au bord de la piscine? La piscine finalement, mais celle réservée à la relaxation, car je suis un peu exaspéré d’entendre la jeune animatrice cubaine hurler à cœur de jour, en trois langues approximatives et au travers une musique tonitruante, l’annonce des activités de la piscine familiale (qui est pourtant à proximité de notre bungalow). Pas facile de se plonger dans la biographie de Diderot avec un tel bruit de fond. Pour « bronzer intelligent » il faut que l’environnement permette à l’intellect de se rendre disponible et de s’ouvrir à la réflexion. C’est décidé! Nous allons traverser la moitié de notre « village vacance » pour rejoindre la bonne piscine là où les seules animations inscrites à l’horaire ce matin sont le tai-chi et le yoga. Une fois sur place nous constatons que le « groupe yoga » est déjà en pleine action, mais dans un silence quasi monastique. Parfait! Nous sommes vraiment à la bonne place. 

Le bar de la  piscine quelques minutes avant le lever du soleil et des bronzés !
En quelques minutes, sous un palmier de bonne taille je poursuis avec bonheur la lecture du bouquin de Jacques Attali. J’aborde un chapitre croustillant de la vie de Diderot, celui qui aurait fait la une de Paris Match, si ce magazine avait existé à l’époque! Diderot fut un drôle d’oiseau, rationnel et athée, il était aussi un grand romantique. On connaît son épouse légitime, Anne-Toinette qui était pratiquement illettrée (!) et deux maîtresses dont le pouvoir de séduction sur Diderot était sans doute plus intellectuel que charnel! L’abondante correspondance qu’il a entretenue avec sa deuxième maîtresse, Sophie Volland, témoigne avec éloquence de ce fait. Le vrai prénom de Sophie Volland était Louise-Henriette en réalité, c’est Diderot qui lui donnera le nom de « Sophie » qui signifie sagesse en grec, car il était admiratif autant de son esprit que de son jugement. Denis lui écrira 553 lettres (2 par semaine!), qui selon Jacques Attali sont les plus belles lettres d’amour de la littérature française. Cette correspondance a d’ailleurs été publiée en partie... voilà donc une prochaine lecture et une source d’inspiration potentielle! 

Sous le palmier, attention aux chutes de noix de coco !

Entre temps le soleil a basculé de l’autre côté de mon palmier et je suis sur le point de rôtir... vite faire trempette dans la piscine! Autour de moi on parle, anglais (provinces canadiennes et Angleterre), espagnol (des Argentins surtout), allemand et... français (de France, mais surtout du Québec), je rejoins dans l’eau un couple de Trois-Rivières qui comme nous est là pour une petite semaine, le temps de décrocher un peu des rigueurs de l’hiver. La « faune » touristique de notre « resort » est très bigarrée et je ne peux m’empêcher de jouer à l’anthropologue amateur tout au long de la journée. Il y a le « gros mononcle qui rit fort » qui est « scotché » au bar de la piscine, la « jeune nymphette » dont l’objectif inavoué (ou avoué!) est de faire réaliser aux « matantes » (largement majoritaires autour de la piscine) qu’elles n’ont plus leur corps de vingt ans, le « pas de classe amateur de sport » qui avec sa casquette du Canadien de Montréal vissée sur la tête cherche à convaincre (en mauvais franco-hispano-anglais) le personnel cubain de la supériorité de son sport national, les « hyperactifs» qui participent à toutes les activités d’animation du « resort », les « proud to be canadian » qui ont une serviette, un maillot et un chapeau aux couleurs de l’unifolié, j’ai même vu une jeune femme avec l’unifolié tatoué en noir sur le bras! Come on! Steven Harper et Jean Chrétien sortez de ce jolie corps!

Grand hall d'entrée du Melia Las Dunas, là où convergent les services de ce  "village vacances"
Le "boulevard" central du Las Dunas, de chaque côté les restaurants à la carte et droit devant la mer turquoise.


À midi nous retournons vers la partie centrale du complexe, là où l’on retrouve tous les principaux services, dont la grande cafétéria où travaille Vladimir. La bouffe est correcte sans plus, nous arrivons toujours à nous composer des assiettes satisfaisantes en évitant certains aliments dont les viandes rouges toujours trop cuites, les ananas blancs cubains trop fibreux et pas sucrés et certains poissons bourrés d’arêtes. Par ailleurs, Vladimir et ses collègues sont d’une grande gentillesse et malgré la barrière de la langue, nous arrivons toujours à communiquer en évitant bien sûr d’aborder des sujets trop sensibles pour le pays, ici les murs ont des oreilles et il y a un réseau de caméras de surveillance déployé sur l’ensemble du complexe. Oui, nous sommes toujours dans un pays où la liberté d’expression a ses limites, ce que notre drôle d’oiseau, Diderot, n’aurait sûrement pas apprécié. 

À suivre...


1 commentaire:

Unknown a dit…

Je suis jaloux de tes photos, magnifiques gringo !