(2e partie)
KAYAK DE MER
LE SECRET EST DANS LE MOULE !
La fabrication d’un kayak ou d’un canot en bois latté constitue
une occasion rêvée pour utiliser plusieurs outils manuels. En effet même si
plusieurs étapes de la fabrication peuvent mettre à profit des machines-outils
et de petits outils électriques, il demeure parfaitement possible de réaliser
entièrement un kayak de mer avec des outils manuels. Dans ce cas, il sera
toutefois nécessaire de se procurer des lattes de bois préusinés chez un
fournisseur spécialisé dans les matériaux et accessoires pour canots et kayaks.
Au Canada, les compagnies Bear Mountain ( www.bearmountainboats.com ) et Noah (www.noahsmarine.com/)
fournissent autant les plans, les patrons ainsi que tout le matériel et les
outils nécessaires à la construction d’embarcations de bois. Certains matériaux,
comme la fibre de verre et la résine d’époxy sont également disponibles dans
les quincailleries marines (souvent situées près des marinas!).
La fabrication d’un kayak ou d’un canoë en bois latté constitue
une aventure hautement artisanale où la patience, la minutie et le goût du
travail bien fait sont les clés du succès. Si vous décidez de vous lancer dans
cette aventure, le travail artisanal doit nécessairement vous motiver, du moins
suffisamment pour y consacrer de six à douze mois par temps perdu, surtout pour
un premier kayak. La fabrication d’un kayak ne représente pas un défi technique
majeur, mais il commande une bonne dose de patience et de motivation pour ne
pas abandonner l’œuvre en cours de chantier, d’autant plus que vous devrez
investir entre 1 500 $ et 3 000 $ en matériaux divers, le bois ne
représentant généralement moins de 25 % du coût global. En fait, on ne
fabrique pas son propre kayak de bois pour économiser des sous, mais d’abord
pour créer une œuvre personnalisée qu’il serait impossible de se procurer dans
un commerce de plein air.
Une oeuvre unique, impossible à se procurer dans un commerce de plein air ! Le "Fou de l'ïle" fait le beau sur la rive du Saint-Laurent à Saint-Jean I.-O. |
Un kayak en bois latté est en fait un kayak en matériaux
composites. Le bois, peu importe l’essence, n’aurait pas la résistance
mécanique ni l’imperméabilité souhaitée pour composer seul la coque d’un kayak.
Historiquement si le bois a longtemps été utilisé comme matériau principal dans
la construction navale et encore aujourd’hui pour des coques de certaines chaloupes
et voiliers, c’est surtout grâce à l’utilisation d’une charpente interne qui
permet de border les coques avec des planches d’une bonne épaisseur ou avec du
contreplaqué marin. Dans un kayak de mer comme pour un canot où l’on souhaite
alléger au maximum le poids total de l’embarcation, on élimine le plus possible
les membrures et autres éléments de charpente. Pour y parvenir, il sera donc
nécessaire d’utiliser un matériau qui pourra agir à la fois comme bordage et
comme charpente. La fibre de verre, la fibre de carbone et le polyéthylène
offrent à des degrés divers les propriétés mécaniques nécessaires pour agir à
la fois comme bordage et structure, du coup l’absence de membrure interne accroît
l’espace utile à l’intérieur de l’embarcation. Ces matériaux ont permis au XXe
siècle l’émergence de petites embarcations que l’on peut réaliser à moindre
coût grâce à différentes techniques de moulage. Combinée à la fibre de verre le
bois devient à la fois imperméable et très résistant tout en étant relativement
léger. Ainsi, une latte de cèdre de 6 mm d’épaisseur recouverte sur ses
deux faces de fibre de verre et de résine d’époxy aura une résistance mécanique
supérieure à une latte de 15 mm d’épaisseur.
Si
les kayaks de polyéthylène sont moulés par injection sur des moules
métalliques, la fabrication d’un kayak de lattes de bois doit également
s’appuyer sur un moule au départ. Comme pour le kayak de polyéthylène le moule d’un kayak en bois latté ne servira qu’à sa fabrication, mais
contrairement au kayak de polyéthylène qui une fois démoulé est pratiquement terminé (il ne restera qu’à installer son gréement), celui de bois
devra subir de nombreuses transformations avant que l’on puisse mouiller sa quille! Mais revenons au moule lui-même. Pour faire image, rapidement disons que le moule d’un kayak en bois latté a l’allure de l’un de ces casse-têtes 3D de dinosaures en contre-plaqué mince, le dinosaure étant constitué d’un assemblage de profil
qui s’aligne par le centre de la queue à la tête donnant au final l’impression d’un squelette. Pour le moule
du kayak, c’est la même chose, chaque profil correspond à la forme correspondante de la coque de pied en pied, de la poupe à la proue, pour un kayak de mer de 17 pieds on comptera donc 17 profils
au total (voir illustration). Les profils sont ensuite enfilés par le centre (comme un collier!) sur une poutre centrale. C’est sur la tranche de chaque profil que l’on viendra fixer temporairement les lattes de bois qui vont constituer
le bordage du kayak.
Dans le cas du “Fou de l’île” j’ai commencé par tracer le patron sur papier de chaque profil. Dans le livre de Nick Schade on retrouve sous forme de tableau les coordonnées x-y de chacun des 17 profils. Avec l’aide d’un logiciel graphique (Corel Draw) j’ai donc dessiné chaque profil et je les ai imprimé sur une imprimante standard à jet d’encre en utilisant la fonction “impression en mosaïque”, les plus grands profils s’imprimaient ainsi sur plusieurs pages au format lettre que je n’avais plus qu’à assembler avec l’aide de marques de registre... et un peu de ruban gommé! J’ai ensuite collé chaque patron (avec de la colle en aérosol) sur une grande feuille de MDF de 1/2’’ d’épaisseur. Chaque profil a ensuite été découpé, d’abord grossièrement avec une scie à découper portative et ensuite plus précisément avec une scie à ruban en laissant une distance de 1/8’’ entre le trait de coupe et la ligne de contour du patron, et ce afin de permettre l’affinage des contours avec une sableuse fixe à disque rotatif et à la main avec un bloc de sablage. L’étape du découpage des profils est cruciale, car rappelons que ce sont les profils qui déterminent la forme du kayak. J’avoue que de réaliser les patrons soi-même augmente considérablement les risques d’erreur et le temps de fabrication du kayak, il faut donc savoir qu’il est possible d’acheter uniquement les patrons chez les fournisseurs que nous avons déjà identifiés au début de cet article.
Comme un casse-tête 3D de dinosaure, voici l'allure du moule de mon kayak de mer avant l'étape du lattage. |
Dans le cas du “Fou de l’île” j’ai commencé par tracer le patron sur papier de chaque profil. Dans le livre de Nick Schade on retrouve sous forme de tableau les coordonnées x-y de chacun des 17 profils. Avec l’aide d’un logiciel graphique (Corel Draw) j’ai donc dessiné chaque profil et je les ai imprimé sur une imprimante standard à jet d’encre en utilisant la fonction “impression en mosaïque”, les plus grands profils s’imprimaient ainsi sur plusieurs pages au format lettre que je n’avais plus qu’à assembler avec l’aide de marques de registre... et un peu de ruban gommé! J’ai ensuite collé chaque patron (avec de la colle en aérosol) sur une grande feuille de MDF de 1/2’’ d’épaisseur. Chaque profil a ensuite été découpé, d’abord grossièrement avec une scie à découper portative et ensuite plus précisément avec une scie à ruban en laissant une distance de 1/8’’ entre le trait de coupe et la ligne de contour du patron, et ce afin de permettre l’affinage des contours avec une sableuse fixe à disque rotatif et à la main avec un bloc de sablage. L’étape du découpage des profils est cruciale, car rappelons que ce sont les profils qui déterminent la forme du kayak. J’avoue que de réaliser les patrons soi-même augmente considérablement les risques d’erreur et le temps de fabrication du kayak, il faut donc savoir qu’il est possible d’acheter uniquement les patrons chez les fournisseurs que nous avons déjà identifiés au début de cet article.
L’assemblage des profils découpés sur la poutre central
est également une étape sensible, car un mauvais enlignement des profils aura des conséquences désastreuses sur la
performance et l’allure générale du kayak. À ce chapitre je dois préciser qu’il y a deux approches différentes dans l’assemblage des profils :
1.
Celle que préconise principalement Nick Schade consiste à enfiler, comme les perles d’un
collier, les profils autour d’une poutre centrale (en
fait un 2x4 bien droit ou une poutre composite de contreplaqué). Cette méthode offre l’avantage de passer du lattage du pont à celui de la quille en retournant simplement l’ensemble du moule sur lui même.
Son seul point faible c’est le gauchissement
possible de la poutre centrale.
L’utilisation d’un 2x4 de construction sortie fraîchement
d’une cour à bois présente un risque très élevé, car en séchant il pourra gauchir
et entraîner un mauvais enlignement de tous les
profils.... et comme le lattage est une opération assez longue, il aura le temps de sécher avant la fin de l’opération. La solution est donc d’utiliser
une pièce de bois dont le taux d’humidité sera très faible au départ ou encore mieux de
réaliser une poutre composite avec du
contreplaqué de bonne qualité (voir l’illustration plus bas).
Personnellement j’ai pris le temps de
faire sécher un 2x4 et je n’ai eu aucun problème.
Une poutre composite comme celle-ci est plus longue à fabriquer mais elle accroît considérablement la stabilité de l'ouvrage. |
Un des profils fixé à la poutre centrale, notez les deux cales qui permettent de bien aligner chaque profil. |
2.
L’autre option préconisée notamment par Ted Moores consiste également à réaliser une poutre, mais sur laquelle chevaucheront les profils. Cette méthode est beaucoup plus longue à réaliser, mais offre beaucoup plus de précision et de stabilité. Chaque profil est vissé sur un support qui est lui-même
fixé après la
poutre qui fait 10’’ de largeur. La poutre
est très stable, car elle est construite à caisson, un peu comme une aile d’avion.
L’inconvénient
avec cette méthode c’est que l’on doit dévisser les 17 profils une fois que la quille aura été lattée et
l’on doit les inverser et les fixer à nouveau sur leur support pour entreprendre le lattage du pont. Cette méthode est parfaite pour la réalisation
d’un canot en bois latté qui n’a pas de pont, mais pour
un kayak elle est donc un peu plus exigeante.
Comme j’ai
utilisé la méthode
No 1, j’ai du construire un support pour tenir à une bonne hauteur de travail (36’’) la
poutre centrale et ses 17 profiles. Nick Schade propose dans son livre un plan
de support très simple (voir
illustration plus bas), mais il permet aussi bien de supporter la poutre centrale que la
coque du kayak elle-même une fois le lattage complété. Car il faut bien le dire, après l’étape du lattage il y a
encore beaucoup de travail effectuer sur la coque et le support devient
essentiel pour travailler confortablement. Ainsi, les supports possèdent deux encoches à leur sommet qui
permettent de bien soutenir la poutre ou de
retenir une bande de tissus ou de tapis pour supporter la coque en bois latté.
Un support très simple à réaliser avec quelques 2x4 et un morceau de contreplaqué. |
La poutre centrale (on utilise le terme"strongback" en anglais) vient s'insérer dans les 2 entailles qui chapeautent les supports . |
Une fois le lattage complété, le même support sur lequel était appuyé la poutre centrale peut recevoir une bande de tapis (ou de tissus épais) sur laquelle viendra s'appuyer la coque du kayak. |
Vous comprendrez que la réalisation du moule représente une bonne partie
du temps nécessaire à la fabrication du kayak, le plus frustrant dans cette étape c’est que tout ce travail
sera destiné à la récupération après l’étape du lattage complété... à moins que vous décidiez de construire un autre kayak! Un moule peut effectivement être utilisé à quelques reprises si vous le traitez convenablement durant le l’étape du lattage. On verra plus tard que le lattage peut se faire sans
brocher les lattes sur les profils ce qui réduit les risques de les abîmer. Il sera toutefois nécessaire de bien vérifier l’enlignement des profils avant d’amorcer
un nouveau lattage sur le même moule.
Dans le prochain article nous aborderons de l’étape de la planification du lattage et du choix des essences de bois,
de la préparation des lattes et du lattage proprement
dit.... à suivre donc!
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