samedi 18 juin 2022


L’automne dernier, ma fille m’a fait part d’un projet qu’elle souhaitait que je réalise pour sa petite famille. Depuis quelques années, la famille s’est établie dans un village de l’Estrie tout près de la frontière américaine. Le décor est bucolique à souhait, une belle campagne encastrée au creux d’une vallée où coule une paisible rivière. Leur maison est située au sommet d’un coteau qui permet d’embrasser du regard la vallée et les quelques sommets qui la dominent. Même si le paysage n’est pas aussi spectaculaire que celui des Rocheuses où ils habitaient autrefois, cette belle campagne a le mérite de leur offrir un cadre de vie exceptionnel, leur permettant de cultiver leurs propres légumes et d’avoir des œufs frais à chaque jour !


Peu à peu, ils ont adapté à leur goût et à leur personnalité la maison qu’ils ont acquise. C’est dans cet esprit que ma fille m’a demandé de lui fabriquer une grande table à « l’allure rustique » pouvant accueillir jusqu’à une dizaine de convives. Pas question d’un style trop alambiqué ou répondant au canon d’un style particulier, la table devait plutôt inspirer la familiarité, le bonheur et la joie de se réunir dans un cadre informel, sans se soucier du protocole! Grosse commande pour l’ébéniste de père qui carbure à la précision des assemblages, aux coloris et au beau veinage des bois nobles.


Je dois l’avouer, le mot « rustique » sonnait très mal dans ma tête, je voyais une table au plateau mal assemblé et marqué par le temps. Par contre, la définition du mot « rustique » a changé ma vision : « Qui appartient à la campagne, est de la campagne ; relatif aux activités et aux choses de la campagne, aux gens de la campagne et à leurs mœurs ». Le style rustique n’a donc pas à être du « grand n’importe quoi »  seuls les citadins peuvent associer le style rustique à quelque chose de très utilitaire, contrastant avec le design des meubles contemporains. Le citadin apprécie surtout le style rustique pour sa chaleur et son confort, en ignorant parfois que le meuble rustique demeure un ouvrage d’ébénisterie robuste qui a l’immense qualité de durer dans le temps, contrairement à certains meubles contemporains trop fragile pour affronter le poids des ans. 

Dans les faits, le « style rustique » n’existe pas vraiment, il est plutôt associé à un mode de vie près de la nature et de la campagne profonde. Le « style rustique » serait plutôt un amalgame d’éléments qui par leur addition vont témoigner d’un certain confort. Une pile de bois près de l’âtre, un vieux bidon de lait servant de siège d’appoint, une commode d’une période indéfinie, des chaises en bois dépareillées autour d’une table qui a du vécu, voilà un décor qui inspire la rusticité et le confort. Donc, inutile de chercher dans les traités d’ébénisterie le canon de ce style, comme un peintre impressionniste il faut plutôt concevoir le meuble rustique par grands traits, en s’inspirant de ses souvenirs plutôt que de la réalité. Cela dit, un meuble a également une fonction bien définie qui impose une forme générale et des standards ergonomiques. Une table ne sera jamais autre chose qu’une table, qu’elle soit rustique ou de style "Art and Craft". 

En accord avec ma fille, je lui ai proposé trois modèles de table répondant au même besoin : une grande table familiale de 42’’ x 90’’ d’une hauteur de 30’’ (hauteur standard). Pas question d’utiliser un bois exotique venant d’une contré lointaine, les trois modèles sont en Pin blanc, un bois du pays largement utilisé par nos ancêtres, car très disponible et facile à travailler.

Ma fille réside à la campagne, près d’une forêt entourée de montagnes ! J’ai donc pris la liberté d’étendre la définition du mot « rustique » à ces trois lieux afin de lui proposer les 3 modèles : la Campagnarde, la Lumberjack (clin d’œil à la communauté anglophone de ce coin de pays) et la Montagnarde.

La Campagnarde se distingue principalement par ses pattes tournées, mais dont j’ai simplifié les formes pour lui donner une légère touche de modernité. On retrouve une forme sphérique près de la ceinture suivie d’une longue section conique qui va jusqu’au sol.





La « Lumberjack » est celle qui présente le piètement le plus complexe. Les pattes sont inclinées de 10o et sont réunies à quelques pouces du sol par trois tenseurs dont l’un traverse la table sur sa longueur. Le tenseur central est réuni aux deux autres par des tenons traversants.





La Montagnarde possède le piètement le plus simple : des pattes rectangulaires massives rejoignent la ceinture, conférant à l’ensemble une allure de solidité et de simplicité. Comme pour les deux autres propositions, la Montagnarde possède un plateau épais (1 1/2’’) avec un emboîtement à chaque extrémité, afin de stabiliser l’ensemble et de bien s’adapter aux mouvements saisonniers du bois. Pour la même raison, le plateau est fixé à la ceinture par des taquets en érable qui s’insèrent dans des rainures de 3/8’’  au pourtour de la ceinture, permettant aux taquets de glisser dans les rainures (voir illustration suivante):


Une vingtaine de taquets fixent le plateau à la ceinture de la table. La rainure est plus large et plus profonde que le taquet permettant à ce dernier de glisser dans la rainure lors des mouvements saisonniers du bois.



Après réflexion, ma fille a choisi "la Montagnarde" pour deux raisons : L’aspect massif de ses pattes et le fait qu’il soit possible de placer des convives à chaque extrémité sans qu’ils soient gênés par la présence de tenseurs aux extrémités de la table (comme pour la Lumberjack). Comme elle aimait bien le « look » du piètement de la Lumberjack, j’ai décidé de lui faire une surprise en ajoutant à la Montagnarde deux bancs inspirés du piètement de la Lumberjack avec des pattes légèrement inclinées, réunies par trois tenseurs (voir illustration) ainsi la montagne rencontre la forêt !









Le principal défi de construction d’une grande table demeure l’assemblage de son plateau. En effet, plus un plateau est long et large plus le laminage des planches exige de la précision. Il faut porter une attention particulière à la préparation des planches, d’abord au niveau du dégauchissage et du rabotage d’épaisseur. À défaut de disposer d’une dégauchisseuse avec une grande table d’entrée et de sortie, j’ai fabriqué deux allonges en contreplaqué afin de m’assurer que chaque planche soit soutenue sur toute leur longueur, autant à l’entrée qu’à la sortie de la dégauchisseuse. J’ai utilisé les mêmes allonges pour le rabotage des planches. Pour le laminage des 8 planches de 5 1/4’’ x 90’’ j’ai procédé par étapes, en collant d’abord 2 x 2 planches, 2 x 4 planches et finalement les deux groupes de 4 planches ensemble. Pour m’assurer de la planéité du laminage, j’ai utilisé des lamelles #20 (voir illustration). 



L’un des secrets pour bien dégauchir de longues planches, est d’allonger les tables d’entrée et de sortie de la dégauchisseuse. Pour y parvenir, j’ai fabriqué des allonges en contreplaqué que j’ai fixé au bout des tables avec des serre-joints. Pour m’assurer qu’elles soient bien au niveau par rapport aux tables, j’ai appuyé les allonges sur des rouleaux à bras télescopiques qui servent normalement à recevoir les planches à la sortie du banc de scie. J’ai utilisé les mêmes allonges sur la raboteuse d’épaisseur pour obtenir des faces parfaitement parallèles.



Début du laminage du plateau en collant les planches deux par deux et ensuite quatre par quatre (photo du bas), avant l'assemblage final des 8 planches. J'utilise des lamelles no 20, surtout pour assurer la planéité du laminage, car la colle a tendance à faire glisser les planches l'une sur l'autre lorsque l'on applique la pression des serre-joints. Cette méthode progressive de laminage est sans doute un peu plus longue, mais elle évite le stress d'agir rapidement afin de respecter le temps de prise de la colle PVA, surtout pour un plateau de cette dimension (42'' x 90'').  






La table comporte des emboîtements (breadboards) à chaque extrémité. Outre l'aspect esthétique, la principale fonction d'un emboîtement est de maintenir la planéité du laminage (ici 8 planches de 5 1/4'' de largeur) tout en limitant les tensions qui pourraient générer des fissures au plateau. Le pin, comme toutes les autres essences de bois, réagit aux variations saisonnières d'humidité, ainsi la fibre prend de l'expansion en largeur l'été et se contracte l'hiver lorsque les maisons sont chauffées. Pour tenir compte de ce phénomène, l'emboîtement est collé uniquement au centre (sur le tenon de 4'' au centre), des chevilles (5) traversantes en bois dur vont fixer l'ensemble. Pour éviter que les chevilles exercent à leur tour une tension latérale sur les tenons de l'emboîtement, les trous qui traversent les tenons (sauf celui du centre) devront être légèrement ovales. 








Les tenons de l'emboîtement sont d'abord taillés à la toupie à la largeur du plateau (photo du haut), un guide est très utile pour assurer la précision de la coupe,  puis chaque tenon est découpé à la main à l'aide de scies japonaises dozuki, une scie à chantourner et une lime  (photo du bas).
  

Le piètement complet de la table (ceinture, traverses et pieds) en pré-montage. Comme je devais transporter la table à plus de 300 km de mon atelier, j'ai ajouté des vis de montage à tête hexagonale pour bloquer chaque joint tenon/mortaise. J'ai donc pu démonter le piètement pour le transport.


Deux bancs comme celui-ci accompagnent la table, ils se glissent entre les pieds à chaque extrémité de la table. Le siège est fixé à la ceinture avec les mêmes taquets utilisés pour la table .




Les pieds sont réunis par un tenseur auquel vient s'attacher un autre tenseur qui est fixé par un tenon traversant dont on voit la mortaise au centre de l'image. Cette pièce est la principale difficulté de construction du banc dont les tenons s'emboîtent avec un angle de 5 o au centre des pieds.


Les bancs au montage, on peut voir sur l'image les 6 taquets qui permettent de fixer les sièges à leur piètement



La Montagnarde à son assemblage final avec  ses couleurs: brun noyer foncé (Passeport Élite 303) pour le plateau et gris pierre de Château (Saman 011) pour son piètement. 



La table dans son environnement ! Ma fille a réussi à se dénicher des chaises qui complètent parfaitement le "look" rustique et convivial  de la Montagnarde ! ... Même Skip est d'accord ... Wouf !

lundi 8 février 2021

TABLETTE SÈCHE-MITAINES


C’est l’hiver, après une averse de « neige à bonhomme » ou de pluie verglaçante vos mitaines sont détrempées ! Votre premier réflexe est de les faire sécher près d’une source de chaleur, mais  la bavette du poêle à combustion et le calorifère dégagent une chaleur suffisante pour faire fondre les tissus synthétiques ou pire provoquer un début d’incendie ! La solution : la tablette sèche-mitaine placée à une hauteur sécuritaire d’une source de chaleur !!! Je l’avoue, cette introduction a l’allure d’une infopub télévisée, il ne manque que la voix du monsieur qui vous invite à « commander dès maintenant » pour 40 $ US, mais la livraison est gratuite !  


Plus sérieusement, nous cherchions depuis longtemps une solution pratique pour faire sécher gants et mitaines près du vestiaire d’entrée. À/ défaut, nous les suspendions un peu partout souvent près de notre ancien foyer au bois qui était entouré d’une large tablette. Depuis la conversion du foyer au gaz, nous cherchions une alternative pratique. C’est en réalisant qu’il y avait un calorifère près de l’entrée principale que l’illumination s’est faite ! Pourquoi ne pas installer une tablette ajourée au-dessus du calorifère avec une série de crochets en dessous ? La tablette ajourée laisserait passer l’air chaud du calorifère pour faire sécher les articles qui n’ont pas de ganses pour les suspendre, alors que la plupart de nos gants et mitaines ont des ganses. Bingo ! En fouillant dans ma réserve de chutes de bois, j’ai trouvé suffisamment de pièces d’érable ondé pour réaliser ce petit projet.  



L’érable ondé, moiré ou frisé est le bois exotique du Québec, il présente des motifs de vagues qui sont dus à une déformation de la fibre par compression. Ce qui a priori, pourrait apparaître comme une tare de l’érable constitue plutôt une plus-value, car une fois vernies les planches d’érable ondé sont magnifiques, leurs vagues ajoutent de la profondeur au grain du bois, un véritable effet 3D ! En contrepartie, l’érable ondé est difficile à travailler, comme la fibre n’est pas alignée, les lames de la dégauchisseuse, de la raboteuse d’épaisseur ou de la varlope ont tendance à arracher la fibre (« tear out »), il faut donc s’assurer de le travailler avec des lames très bien aiguisées pour réduire ce problème. Un bon sablage est également requis pour bien uniformiser la surface et accroître la beauté de ce bois d’exception.





La tablette sèche-mitaine est relativement simple à fabriquer, l’assemblage se fait avec des 4 lamelles (ou biscuits) No 20 et deux goujons de 1/4’’ de diamètre, sauf pour les planchettes qui forment le dessus de la tablette, elles sont simplement collées au fond de la cavité des supports latéraux (voir plan). Trois à quatre couches de vernis à plancher (j’utilise le vernis Saman brillant) sont nécessaires, non seulement pour bien protéger le bois de l’humidité, mais également pour faire ressortir la profondeur de l’érable ondé.



 







dimanche 31 janvier 2021

Bibliothèque anguleuse


              
Ceux qui me connaissent savent que j’aime les bibliothèques, pas uniquement celles qui ont quatre murs et une toiture, mais également celles que l’on retrouve adossées au mur d’un bureau ou celui d’un salon. En cette période de confinement Covid, la lecture est redevenue un puissant moyen d’évasion, pas étonnant dans ce contexte que la bibliothèque retrouve sa place dans nos « bungalows ». Les travailleurs « en ligne » ou les spécialistes qui donnent des entrevues Skype à la télévision l’utilisent souvent comme arrière-scène sans doute pour faire étalage de leur érudition ! Bref, la bibliothèque est encore un meuble tendance malgré sa très vénérable histoire. Le défi aujourd’hui est de lui donner un look un peu moins classique en rompant avec la forme très utilitaire du « rectangle/tablettes » tout en demeurant pratique pour y ranger des livres et parfois quelques objets hétéroclites. 


Rompre avec la forme classique de la bibliothèque n’est pas si simple, car une accumulation de livres provoque invariablement une concentration de poids qui limite la liberté de création. Les bonnes vieilles tablettes soutenues par des montants qui s’appuient solidement au plancher demeurent le meilleur moyen pour assurer la stabilité d’une bibliothèque. Dès que l’on s’écarte de ce modèle, on doit composer avec la gravité et trouver un autre moyen d’assurer la stabilité de l’ensemble, mais souvent au détriment de la capacité de stockage ! L’autre possibilité est de fusionner la bibliothèque à des éléments de décor que ce soit un dessous d’escalier, le pourtour d’un foyer ou la délimitation d’un lieu de passage dans une maison à aires ouvertes. Dans une chambre pour enfants, la bibliothèque peut prendre une grande variété de formes un peu comme cette bibliothèque hibou que j’ai réalisée il y a dix ans pour mon petit-fils. La bibliothèque hibou participe non seulement au décor de la chambre, mais également à encourager l’enfant à explorer les livres que le hibou conservait derrière ses ailes à penture !



Parmi les formes originales de bibliothèques, il y a celles qui s’apparentent un peu à un arbre ou les livres deviennent les feuilles ! Dans ce modèle, les tablettes sont inclinées à 45 o par rapport au sol en pointant de part et d’autre d’un axe central (voir plan et photo plus bas). Malgré son apparente complexité, ce modèle est relativement simple à construire . Cette bibliothèque anguleuse peut être simplement déposée au sol ou sur une table d’appoint, elle peut également être fixée à un mur grâce à 4 points d’ancrage invisibles (trou de serrure pratiquée à la toupie au verso de la planche centrale). Comme le poids des livres est reporté vers l’axe central, l’ensemble est très stable. Ce modèle comporte 5 tablettes, mais on pourrait facilement concevoir un modèle à 7 ou 9 tablettes, à cette hauteur il serait cependant prudent d’ancrer la bibliothèque au mur à son sommet pour éviter qu’un enfant ou le chat de la maison décide d’y grimper et la faire basculer vers l’avant.




Ma bibliothèque anguleuse a été réalisée en pin massif d’une épaisseur de 7/8’’. Les tablettes, en forme de « T » incliné, ont été fixées entre elles par des lamelles (ou biscuits) no 20 et vissées par l’arrière à l’axe central. Trois couches de vernis satiné complètent la finition.





Les tablettes sont vissées à la planche arrière.



Des trous de serrures peuvent être pratiqués grâce à une
mèche de toupie spécialement conçue (disponible chez Lee Valley). 
Ceux-ci permettent d'ancrer la bibliothèque au mur... si nécessaire.




 

vendredi 3 juillet 2020

Un vestiaire familial






Ma fille va célébrer un anniversaire marquant cette année et pour souligner l’événement j’ai décidé de lui offrir le meuble qu’elle souhaitait. Pour marquer le temps qui passe, il faut parfois s’inscrire dans la matière, tailler la pierre comme les pharaons ou les bâtisseurs de cathédrale. Mais comme je suis qu’un humble artisan du bois, c’est donc dans cette matière que j’ai décidé de souligner son anniversaire. Après l’avoir consulté, nous nous sommes entendus sur un projet utilitaire, mais qui deviendrait comme le lieu d’accueil de sa demeure familiale. C’est ainsi que le projet de vestiaire a pris naissance. 


Comme à mon habitude, j’ai commencé le projet en parcourant Internet et surtout les pages de Pinterest afin de voir les tendances pour ce type de mobilier. Je savais au départ que j’avais besoin de quatre sections (1 par membre de la famille) et que je devais répartir le vestiaire en 2 modules de part et d’autre de l’entrée principale de la maison, car je n’avais pas l’espace nécessaire pour aligner les quatre sections dans la même portion de mur. Ainsi chaque module devait regrouper 2 sections de 24’’ de largeur. Après discussion avec ma fille, on n’a convenu que chaque section devait contenir de bas en haut une sous-section ouverte pour ranger souliers et bottes, un grand tiroir pour les accessoires (tuques, mitaines, gants, foulards, etc.), une penderie avec 5 crochets et finalement une armoire pour ranger les accessoires hors-saison. L’empilement de ses sous-sections donnait finalement une hauteur de 92’’ soit à peine 3’’ de moins que la hauteur de la pièce.





La principale difficulté de ce projet était de le réaliser dans mon atelier et de le rendre entièrement démontable pour être en mesure de le transporter dans mon « vus », de l’amener à destination, 265 km plus loin et finalement de le remonter. Je devais donc adopter « l’approche suédoise de la clé hexagonale » ! En fait pas tout à fait, car certains éléments devraient être vissés, collés ou cloués une fois sur place. Mine de rien, cet aspect du projet a complexifié le travail et m’a sortie de ma zone de confort, car le jointage classique pour lequel j’avais développé une certaine expertise devait être adapté. Les seuls éléments qui pouvaient être entièrement réalisés et assemblés en atelier étaient les deux caissons et leurs tiroirs qui constituent la base des deux modules. Ces 2 caissons de 17’’x 24’’ x 48’’ pouvaient entrer directement dans l’arrière de mon véhicule, alors que toutes les autres composantes pouvaient se glisser en pièces détachées au-dessus et sur les côtés des caissons.



Un véritable jeu de Tetris pour faire entrer l'ensemble du vestiaire dans le coffre arrière !



Rendu photographique de la première version du projet


J’ai décidé de réaliser le projet uniquement en pin massif autant pour sa beauté que pour le plaisir et la facilité de travailler ce beau résineux d’ici. J’ai trouvé dans ma région un marchand de bois qui avait des planches brutes de 4/4 en stock et dans une largeur de 6’’ et des longueurs variant de 6’ à 12’. Une bonne partie du projet a donc été consacrée au dégauchissage, au rabotage et au laminage des planches afin d’obtenir les largeurs de panneaux nécessaires à chaque composante du meuble. Pas loin de la moitié, du temps de travail a donc été consacré à la préparation du bois, il est certain que si j’avais utilisé du contreplaqué plutôt que du pin massif j’aurais épargné beaucoup de temps, mais la qualité du meuble n’aurait pas été la même !


Montage de la partie haute  sur la base



Le projet fait appel à plusieurs techniques d’assemblage dont celle de la « rainure et languette flottante en queue d’aronde ». Cette technique, qui est un peu complexe à mettre en œuvre, facilite le montage et le démontage des composantes qui doivent s’insérer entre deux montants. La partie la plus délicate est de tailler avec précision les languettes qui doivent s’insérer dans les rainures en queue d’aronde. Avec une toupie, une mèche en queue d’aronde et un petit gabarit artisanal (voir illustration plus bas) on taille d’abord les rainures sur les champs gauches et droits des composantes à insérer (essentiellement les tablettes et les bases d’armoire). Avec un autre gabarit artisanal et la même mèche de toupie en queue d’aronde, on coupe les champs des languettes pour leur donner la forme.


L’assemblage de la partie haute du vestiaire à la base a été réalisé avec des « ferrures à assemblage rapide » vendu chez Lee Valley. Ces ferrures comportent une goupille filetée d’une longueur de 1 1/2’’, elles sont vissées dans des insertions situées à la base des deux montants externes de la partie haute. Dans la base on retrouve 4 trous où les goupilles vont s’insérer. Au fond de chaque trou, on retrouve un écrou transversal et une vis hexagonale qui va s’insérer dans une cavité située à l’extrémité de la goupille… vous êtes mêlés ? Normal ! Ce n’est pas simple à expliquer avec des mots, je vous invite donc à voir les illustrations plus bas. Ce système d’assemblage est vraiment génial, car il permet surtout d’assembler ou de démonter des pièces tout en garantissant une grande 

solidité.


Composantes du système d'assemblage rapide de Lee Valley




La partie filetée à gauche est vissée dans l'extrémité d'un montant






Petit guide artisanal pour tailler à la toupie une rainure en queue d'aronde 
qui recevra un tenon flottant de la même forme. 


Un tenon flottant inséré dans sa rainure. Les tenons sont simplement
vissés à la surface d'un montant.




Vestiaire complété ... et le chien de la famille qui voudrait bien le voir!


J’ai intégré un système d’éclairage au vestiaire en utilisant un profilé d’aluminium vendu spécifiquement pour recevoir un ruban de lumières DEL. Ce profilé d’aluminium (que l’on retrouve chez Lee Valley et plusieurs plateformes de ventes en ligne) comporte un petit diffuseur en acrylique qui permet un éclairage plus homogène. Ce qui est vraiment intéressant avec ce type d’éclairage c’est qu’il est facile de l’intégrer à un projet tout en demeurant incroyablement discret. Dans ce projet, le profilé de 3/4’’ de largeur, 1/4’’ de profondeur et de 36’’ de longueur a été insérer dans une rainure située sous la ligne des armoires dans la patrie haute du vestiaire, ainsi les lumières DEL (blanc chaud) éclairent tous les vêtements placés sur les crochets. Un transformateur 12v a été dissimulé dans une des armoires de l’un des modules et un petit interrupteur circulaire placé dans chaque module.   

 

Quelques minutes plus tard... le vestiaire est déjà occupé !



dimanche 29 mars 2020

Atelier de couture



Mon plus récent projet n’est pas un meuble, mais plutôt un ensemble de meubles qui constitue l’atelier de couture de ma conjointe. Depuis plusieurs années nous avions converti l’une des chambres de notre maison en « walk in » et en « coin » couture. La vocation « walk in » a été réglée facilement en achetant des modules PAX de Ikea, de grandes armoires subdivisées en penderies et tiroirs. Le « coin » couture était moins aménagé et souffrait d’un manque criant d’ergonomie. J’ai donc décidé de concevoir un véritable atelier de couture fonctionnel qui respecterait à la fois le style scandinave des modules PAX. Quelques semaines de conception sur le logiciel Sketchup m’ont permis d’optimiser chaque centimètre de l’espace résiduel de cette pièce.  

Comme dans plusieurs ateliers de couture mon plan d’aménagement devait intégrer les éléments suivants :

  1. Un espace pour la machine à coudre.
  2. Une surface de travail pour la découpe et l’assemblage.
  3. Un éclairage adéquat des surfaces de travail.
  4. De grands tiroirs pour entreposer des tissus et autres matériels.
  5. Un tableau mural pour les bobines de fil.
  6. Une surface d’accrochage mural pour des bacs de rangement et patrons
  7. Une suspension pour grande pièce de tissus et séchage
  8. Une planche à repasser murale rétractable. 



Au final l’atelier devait être fonctionnel tout en demeurant polyvalent, car ma conjointe qui pratique la couture comme loisir devait pouvoir utiliser son atelier pour d’autres formes d’artisanat. Ainsi, la machine à coudre devait pouvoir être déplacée facilement pour libérer la surface de travail central. 

Comme les modules PAX déjà présents étaient en mélamine blanche, j’ai donc décidé de combiner ce matériel au bois dans la conception de l’atelier. Pour les surfaces de travail j’ai utilisé le contreplaqué russe (merisier), alors que les tiroirs et les caissons des armoires sont en mélamine blanche de 5/8e d’épaisseur. Pour les armoires qui sont au-dessus du plan de travail, j’ai décidé de fabriquer des portes avec montants et traverses en érable et panneau en verre clair. Les panneaux de verre des portes permettent donc de voir facilement le contenu des armoires sans les ouvrir tout en allégeant visuellement ce volume. Deux blocs d’armoires sont séparés par un espace tablette pour y placer un haut-parleur wifi et quelques souvenirs ! Pour compléter l’intégration visuelle au module PAX, j’ai choisi pour les armoires les poignées « hishult » dans le catalogue IKEA. De même, la surface murale d’accrochage sous les armoires est le système modulaire « skådis » qui permet d’y accrocher de petits contenants, des pinces et supports de différentes formes. Sous les armoires j’ai installé un bandeau de lumières DEL pour fournir un éclairage direct sur plan de travail. Au plafond, un rail de 5 projecteurs DEL fournit l’éclairage général de la pièce.

La surface de travail et ses panneaux de support ont été réalisés en collant deux feuilles de contreplaqués russes de 1/2’’ d’épaisseur. J’ai utilisé de la colle à construction et de nombreux serre-joints pour assurer leur collage uniforme. La surface de travail formant un « U » j’ai cherché une solution pour la construire en 3 sections démontables, un peu comme un meuble Ikea ! Sur le site de Lee Valley j’ai trouvé un système de montage très bien adapté à mon besoin, il s’agit d’une goupille métallique qui assure la jonction des surfaces. La goupille s’insère dans un trou traversant dans un écrou transversal et se fixe en place à l’aide d’une vis de blocage (voir les 3 illustrations plus bas). Ce système est métrique, le trou pour insérer l’écrou doit être percé avec une mèche Forstner de 15 mm alors que celui de la goupille nécessite une mèche Forstner de 10 mm. Il est préférable d’utiliser une perceuse à colonne, car l’enlignement des pièces doit être parfait, la moindre déviation de l’axe provoquera un blocage et la goupille qui ne pourra s’insérer correctement dans l’écrou.











Sous la section droite de la surface de travail j’ai intégré un petit séchoir, très utile pour faire sécher des articles délicats, il peut également servir à suspendre des pièces de tissus. Ce séchoir est composé d’un cadre et de quatre goujons de 1/2’’ de diamètre, deux coulisses permettent de glisser le séchoir sous la surface de travail qui prend l’aspect d’un tiroir une fois fermé. Sous la section gauche de la surface de travail, j’ai intégré une petite commode à 4 tiroirs. Placés au plus près de la couturière, les tiroirs de cette commode regroupent des pièces de tissus, des patrons, des règles, etc.















Le présentoir à bobines de fil est également situé à gauche au-dessus de la surface de travail. La base du présentoir a été réalisée dans un masonite de 1/4’’ d’épaisseur sur lequel j’ai vissé par l’arrière les barrettes à goujons (1/4’’ de diamètre) où sont insérées les bobines. Les barrettes sont inclinées à 45 o pour que les bobines demeurent bien en place et pour que leur couleur soit bien visible d’un seul coup d’œil. Si jamais la couturière compte ajouter plus de bobines à son e, il suffira d’ajouter un ou des présentoirs supplémentaires. Pour les petites bobines de 3/4’’ de diamètre (comme celles de la marque Gütermann) l’espacement entre les goujons est de 1 1/8’’ alors que pour les bobines de 1 1/4’’ (comme celles de la marque Coasts) l’espacement est de 1 3/4’’ (voir illustration).




Une planche à repasser murale vient compléter l’installation. Ce modèle (acheté en ligne) est monté sur ressort ce qui permet de la rabattre sur le mur sans effort. Son look industriel convient parfaitement à cette pièce atelier.