mercredi 21 mars 2018

Armoire d'ébénisterie



Autrefois, à l’époque des maîtres et des apprentis, chaque ébéniste fabriquait son coffre à outils. Ce coffre contenait généralement la totalité des outils de l’artisan. Avant l’apparition des premiers outils électriques et pneumatiques, ce coffre ne contenait bien sûr que des outils manuels comme des rabots, des bouvets, des vastringues, des varlopes, des guillaumes, un vilebrequin, des trusquins, des ciseaux à bois et bien sûr des égoïnes ! Le coffre à outils était non seulement un meuble de rangement bien organisé où chaque outil y occupait une place en fonction de sa fréquence d’utilisation, mais il était également le reflet du savoir-faire de l’artisan. Aujourd’hui, certains de ces coffres sont d’ailleurs exposés dans des musées. 

Au fil de l’histoire, le coffre à outils était également le reflet de la pratique du métier. Au XVIIIe siècle, avant l’avènement de l’ère industriel, le coffre à outils accompagne l’artisan dans tous ses déplacements. Le coffre doit être robuste, car il est transporté d’un chantier à l’autre en charrette sur des routes souvent peu carrossables. Le coffre contient l’essentiel du patrimoine de l’artisan, pour cette raison il est légué à ses héritiers et le plus souvent, au fils qui suivra les traces de son père. À partir de la deuxième moitié du XIXe, les outils fabriqués de bois, comme les rabots et les serre-joints, cèdent en partie leur place à des outils complètement métalliques. La guerre de Sécession aux États-Unis ouvre une nouvelle ère où des industriels comme Frederick Trent Stanley vont déposer de nombreux brevets d’outils en acier qui vont accroître la précision du travail du bois. Ces nombreuses innovations font toutefois augmenter le nombre d’outils dans le coffre de l’artisan l’obligeant à faire preuve d’ingéniosité pour maximiser chaque centimètre carré de son coffre. Un bel exemple demeure le coffre d’Arthur Sorrill, un artisan anglais, qui appartient à la collection du Musée canadien de l’histoire à Gatineau, à voir sur le site du musée à l’adresse suivante : www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/tresors/treasure/140fra.shtml. D’autres exemples de coffres des périodes pré et post-industriels sont présentés dans le magnifique ouvrage de Jim Tolpin publié chez Taunton Press sous le titre « The Toolbox Book » (1995, 200 pages).

Si le coffre à outils demeure encore présent dans les ateliers modernes d’ébénistes, il ne contient plus la totalité des outils de l’artisan ! En effet, l’électrification des ateliers a multiplié le nombre des outils dont le banc de scie occupe une place centrale entourée de la dégauchisseuse, de la raboteuse d’épaisseur, de la scie à ruban ou de la perceuse à colonne. Aujourd’hui, « le coffre » prend plutôt la forme d’une ou de plusieurs armoires murales situées à proximité de l’établi. Dans plusieurs ateliers, les outils les plus utilisés sont simplement accrochés sur des panneaux muraux afin d’en accroître l’accessibilité ou sur des chariots pouvant se déplacer près de l’établi. C’est le cas des serre-joints, des grandes équerres, des marteaux et maillets, des règles et des guides, etc. Il existe toutefois des groupes d’outils que chaque ébéniste qui se respecte aime bien retrouver toujours au même endroit. Ainsi, les outils de mesure et de marquage comme les règles, les équerres, les verniers, les équerres à combinaison, les compas et les trusquins qui sont essentiels à toutes les étapes d’un projet, devront être à la hauteur des yeux dans une armoire située à portée de main. Comme il s’agit d’outils de précision, chacun aura son support évitant qu’ils puissent s’entrechoquer, une équerre dont les extrémités sont endommagées est moins précise et peut induire des erreurs dans la réalisation d’un projet. 






Dans mon propre atelier j’ai opté pour une combinaison de système de rangement : des tiroirs profonds pour remiser les outils électriques portatifs comme les toupies, sableuses, rabot, scie à découper, scie circulaire, biscuiteuse, etc. et de grandes armoires pour remiser la quincaillerie, les peintures et vernis, les adhésifs, etc. Sous la surface de mon établi on retrouvait également des tiroirs où je plaçais notamment, les instruments de mesures et de marquage, les forets, les mèches de toupie, les ciseaux à bois, les limes, les pierres à aiguiser, les guides d’aiguisage, les rabots, les vastringues et les guillaumes. Avec le temps, je trouvais ce dernier rangement peu pratique, car les outils étaient répartis dans 6 tiroirs ce qui m’empêchait de les repérer rapidement, voire même de me souvenir de leur existence ! De plus, je devais continuellement me pencher pour ouvrir les tiroirs, prendre l’outil et le replacer. Bref de la manipulation supplémentaire qui augmentait le temps consacré à un projet. J’ai donc pris la décision de concentrer le contenu de ces tiroirs dans une armoire murale peu profonde où d’un seul coup d’œil je pouvais localiser l’instrument ou l’outil dont j’avais besoin.  




Inspirée en partie des cabinets de curiosités d’autrefois ma nouvelle armoire se divise en deux : à gauche, une vitrine regroupe les rabots, guillaumes, vastringues, guides d’aiguisage et tous les instruments de mesures et de marquages. À droite on retrouve une section dont le panneau est d’une profondeur égale à la partie murale afin de répartir l’accrochage des outils sur une plus grande surface. Lorsque le panneau est complètement ouvert, on peut donc voir facilement l’ensemble des outils. Dans cette partie on retrouve les forets, les mèches de toupie, les ciseaux à bois, les râpes, les limes, les racloirs et les scies japonaises. Une fois fermé, le panneau de cette section d’armoire devient un tableau noir avec une zone magnétique dans le haut pour y suspendre un plan ou une liste de matériaux. Le tableau s’avère très utile dans l’atelier pour noter des mesures ou dessiner un croquis. La zone magnétique a été réalisée en encastrant dans le panneau 4 petits aimants sur une ligne horizontale près de la bordure supérieure du panneau. Sous cette section on retrouve également deux petits tiroirs, celui de gauche contient les pierres d’aiguisage et celui de droite des accessoires de toupie et les craies pour le tableau !






L’armoire a été fabriquée avec du cerisier tardif de 3/4’’ d’épaisseur (caisson et cadre des panneaux) et du contreplaqué russe de 1/2’’ d’épaisseur (pour le fond, les tablettes et le tableau). Les joints du caisson ont été réalisés en queue d’aronde comme ceux des tiroirs. La finition du cerisier a été réalisée avec une couche d’huile de lin bouillie et trois couches de vernis au tampon.