dimanche 20 octobre 2019

Le marchand de sable est passé !


On connaît bien cette expression associée au sommeil : le marchand de sable est passé. Cet été quand le marchand de sable est passé, nous nous étions déjà assoupis. Dans l’arrondissement Beauport, le marchand de sable a un autre nom : CSL-Loma. Très tôt au printemps, le marchand de sable a repris ses droits de propriétés sur un territoire que plusieurs d’entre-nous associaient à tort au Centre de plein air Beauport. En l’espace de quelques semaines à peine, la forêt mixte qui couvrait une bonne portion des sentiers 3 et 4 du centre a été transformée en désert de sable. Le reste de ces sentiers devraient disparaître d’ici 5 ou 6 ans, quand CSL-Loma aura terminé d’exploiter la portion actuelle (voir cartes). 
La zone plus pâle sur la photo correspond à la portion de forêt qui disparaîtra au cours des cinq prochaines
années... alors que cette forêt a pris des centaines d'années à s'établir sur un sol sableux.


On n’arrête pas le progrès, diront certains ! L’agglomération de Québec a désespérément besoin de sable pour assouvir ses besoins de croissance et la rénovation de ses infrastructures. Sacrifier une petite forêt, déjà encerclée par les sablières depuis des années, n’est pas une grosse perte, de plus notre marchand de sable a déjà tout prévu pour réhabiliter le site après son exploitation. En effet, CSL-Loma a déposé en 2016 un mémoire dans le cadre du schéma d’aménagement et de développement révisé de l’agglomération de Québec (SADR), dans lequel il prévoit l’installation de 2300 nouveaux ménages, d’un pôle technologique de pointe et bien sûr d’une ceinture verte, sans doute pour accroître l’acceptabilité sociale du projet ! Mais cette ceinture verte qui est censée représenter 45 % des espaces réhabilités ne sera plus qu’un enchaînement de bandes vertes où la diversité de la forêt aura complètement disparu. Je ne suis pas écologiste, mais la forêt qui a été arrachée par les


Il y a à peine 6 mois une forêt mixte couvrait cette zone !
La forêt qui reste, à droite sur l'image, disparaîtra dans un horizon de 5 à 6 ans.
débusqueuses cet été était sûrement le fruit d’une très lente évolution, car elle avait réussi à s’établir sur un sol sableux et pauvre en nutriments. Difficile de croire que cette zone deviendra un petit paradis vert pour jeunes familles. Pour réhabiliter le secteur, le promoteur aura besoin de déplacer des tonnes de sols organiques qu’il prendra nécessairement ailleurs sur le territoire de l’agglomération. Ce calcul environnemental me semble plutôt contestable !  

La zone en rouge est déjà déboisé et la compagnie CSL-Loma a déjà commencé à y extraire le sable (2 photos précédente).
L’exploitation des sablières à un rythme effréné soulève un autre problème : le sable est une ressource non renouvelable à l’échelle humaine. Quand notre « marchand de sable » aura épuisé en quelques années à peine le sable du secteur, il devra se tourner vers un autre gisement ou changer de secteur d’activités. Oui, selon les géologues, il y a beaucoup de sables au Québec, mais au rythme où nous le consommons il sera de plus en plus loin des villes. Encore une fois, il faut remettre en question le credo de la croissance économique qui est à l’origine de la destruction de l’environnement et du réchauffement climatique. L’urgence climatique fait en sorte que nous ne pouvons plus nous mettre la tête dans le sable et pelleter le problème aux autres générations !



mardi 8 octobre 2019

La véritable cause écologique


Notre belle jeunesse prend conscience que les changements climatiques sont la conséquence directe de l’activité humaine des générations qui l’ont précédé. Partout sur la planète elle dénonce l’utilisation massive des carburants fossiles qui transforme graduellement notre atmosphère en serre chaude. Le coupable est bien identifié, les scientifiques de la planète sont unanimes : sans une réduction significative des GES, l’humanité court à sa perte ou au mieux se réserve un avenir chaotique et totalement imprévisible. Face à ce tsunami de preuves scientifiques, s’élèvent pourtant des armées de climatosceptiques qui au nom de l’économie ou du déni sont près à déchirer tous les traités et les mesures mises en place pour simplement ralentir la catastrophe. Pour plusieurs d’entre-nous la véritable « cause écologique » c’est celle-là : mettre un terme à l’ère du pétrole le plus tôt possible et adopter des énergies renouvelables, en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard. Mais est-ce vraiment la bonne cible ?  

Le premier levée de terre photographié par l'équipage d'Apollo 9. Une petite
boule bleue dans la noirceur du cosmos.
Le premier équipage d’astronautes (Apollo 9) qui a contourné la Lune a vite saisi que cette petite boule bleue qui apparaissait au-dessus de l’horizon lunaire était le seul et unique habitat de l’humanité. Une petite boule bleue où un événement hautement improbable se produisit il y a 3,5 milliards d’années : l’apparition de la vie. Collés sur notre quotidien, sur nos obligations de citoyens, de parents, d’employés, de patrons ou de politiciens, nous oublions que même notre propre existence est l’aboutissement d’un processus hautement complexe et d’une très grande fragilité. D’autre part, plus notre connaissance de l’Univers s’approfondit et plus nous prenons conscience de notre unicité, car même si chaque étoile de l’Univers semble accompagnée d’un cortège de planètes, très peu d’entre elles répondent à la très longue liste des conditions favorables à l’apparition de la vie et par-dessus tout à celle d’une vie intelligente et consciente de sa propre existence. Ainsi, une planète aura peu de chance de devenir un terreau favorable à la vie si elle est trop éloignée ou trop près de son étoile, recèle peu d’eau sous forme liquide, possède une gravité trop forte ou si faible qu’elle ne peut retenir une atmosphère et plus on creuse la question et plus la liste s’allonge, même la présence ou l’absence d’une lune ou la vitesse de rotation de la planète feraient également partie des critères essentiels ! Certes, vu l’immensité de l’univers avec ses milliards de Galaxies, il est possible qu’un autre système planétaire puisse répondre à l’ensemble des critères et que la vie puisse s’y épanouir, mais force est de constater que nos voisins galactiques seront toujours très éloignés de nous, tellement loin qu’un simple signal électromagnétique prendra des siècles pour les atteindre. Comme les lois de la physique sont les mêmes d’un bout à l’autre de l’Univers, on doit également admettre que les voyages interstellaires vont demeurer confinés au rêve et au cinéma. Cinquante ans
Apollo 11 le premier débarquement de l'humanité sur la Lune.
après l’alunissage d’Apollo 11, les voyages dans l’espace demeurent limités à notre voisinage immédiat. Même la conquête de Mars ne semble pas pour demain, car plus on se rapproche de l’objectif plus on prend conscience des risques énormes associés à une telle odyssée et aux ressources gigantesques à mettre en œuvre pour y parvenir… et pourquoi y aller au juste? Mars est visiblement une planète hostile à la vie et si certains rêvent encore de « terraformation » pour cette dernière, rien n’est aussi démesuré ou improbable. Mars ne pourra jamais devenir un vaisseau de secours pour l’humanité, au mieux cette planète deviendra un sommet à atteindre pour quelques astronautes en mal de défi, comme le fut la conquête de l’Everest à une autre époque. 


Mars ne sera jamais un vaisseau de sauvetage pour l'humanité.
Le constat est troublant : La Terre est unique, à la loterie interstellaire elle a tiré toutes les combinaisons gagnantes (vraiment !!!), on n’a beau tendre l’oreille et scruter les profondeurs du cosmos, nos improbables voisins demeurent muets. Serions-nous seuls alors ? En fait, la réponse a plus ou moins d’importance, car un fait demeure : Pour éviter que la Terre devienne le cimetière de sa propre biodiversité, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Il n’y a pas dans notre banlieue immédiate une planète de rechange ou une civilisation extraterrestre disposée à réparer notre gâchis ou à nous héberger en cas d’urgence climatique. 


Une simple jacinthe d'eau peut incarner à elle-seule la beauté et la complexité
de la vie sur terre.
Devant l’agilité d’un dauphin surgissant devant la proue d’un navire ou d’une fleur ouvrant ses pétales à l’aube, nous sommes admiratifs… mais pas suffisamment ! En fait, si nous prenions conscience que ce dauphin et cette fleur n’existent que sur la Terre et que dans un rayon de plusieurs milliers d’années-lumière le vivant n’existe probablement que sous des formes très primitives, je crois que nous changerions d’attitude. Le saccage des grandes forêts et des milieux humides témoigne, entre autres, de notre absence de sensibilité face au vivant et à ce qu’il représente vraiment. Il y a bien sûr un contexte historique qui explique notre attitude. Pendant des siècles nous avons crus que notre intelligence et notre conscience nous plaçaient au sommet de la « création » et au fil des siècles nous avons renforcé cette perception en nous forgeant des croyances religieuses qui n’ont fait que nous conforter dans notre rôle de propriétaire terrien ayant un droit de vie et de mort sur l’ensemble du vivant, incluant sur nos semblables. Nous avons même imaginé que le paradis n’était pas sur Terre, comme si l’apparition et le développement de la vie n’étaient pas suffisamment grandioses à nos yeux, il devait donc y avoir mieux ailleurs ! Notre vision à courte vue, limitée par la brièveté de notre propre existence, ne nous a pas permis de réaliser toute la profondeur et la complexité de l’évolution de la vie.

Fragile, fragile... prière de manipuler avec soin ! 
Nous sommes en face d’une équation difficile à résoudre : nos économies exigent une croissance perpétuelle alors que les ressources de la Terre sont forcément limitées, pire encore le « vivant », dont nous sommes une composante, repose sur des interactions complexes qui sont mises en péril par la croissance débridée de notre activité économique. Alors que faire ? Renoncer au « progrès » et redevenir des chasseurs-cueilleurs, ou presser le citron jusqu’à la disparition de l’humanité et du vivant ? La véritable « cause écologique » se situe à ce niveau : pour préserver le vivant, nous devons diminuer rapidement la pression sur l’ensemble des niches écologiques de la planète ! Pour y parvenir, nous devrons cesser de courir après « la richesse » et accepter de vivre dans un monde ou la simplicité deviendra une valeur universelle. La révolution industrielle qui a façonné nos sociétés à compter du XIXe siècle, nous a plongés dans un matérialisme débridé tout en nous éloignant de la nature dont nous sommes pourtant issus. 

La difficulté principale du virage vers la simplicité réside dans le fait que nous vivons dans un monde profondément asymétrique où les valeurs individuelles et collectives évoluent de manière parallèle. Difficile dans ce contexte de rêver d’un monde égalitaire et respectueux du vivant et des ressources de la planète. De plus il faut composer avec tous les travers de la nature humaine et parmi ceux-ci il y a : la tricherie. La tricherie est sans doute le plus grand travers de la nature humaine, car elle s’oppose à toutes les structures, à tous les lois et règlements et à toutes les bonnes intentions. La tricherie est partout dans l’activité humaine comme : Dépasser les limites de vitesse au mépris de la sécurité des autres, cacher ses revenus pour ne pas payer d’impôt, truquer les émissions de GES des voitures pour répondre aux exigences des gouvernements, interner ou éliminer des journalistes qui scrutent d’un peu trop près les activités des états ou de groupes industriels, rejeter dans les lacs et rivières des polluants, se droguer pour gagner une compétition sportive en fait la liste est infinie et chacun d’entre-nous a utilisé, à différents niveaux, une forme de tricherie pour parvenir à ses fins. La tricherie est même glorifiée ! Tricher démontre sa débrouillardise et sa capacité à dépasser les autres, seuls les gens naïfs ou les timides obéissent aux règles aveuglément, les « gens malins » eux n’hésiteront pas à contourner lois et règlements pour parvenir à leurs fins, incluant pour devenir chefs d’État ! Les journaux et les livres d’histoire sont d’ailleurs remplis d’exemples ! Lorsque les « gens malins » versent en plus dans le copinage, le népotisme, la corruption ou la collusion, la planète n’est jamais gagnante : des forêts disparaissent, des milieux humides sont asphaltés, des lacs deviennent des réservoirs d’eau acide et des terres agricoles sont transformées en quartier de bungalows, rien de réjouissant bref !

Alors que faire ? Instaurer une dictature verte pour contraindre les « gens malins » à entrer dans le rang et devenir des apôtres de la simplicité volontaire? Utopie ! L’histoire nous apprend que toutes les dictatures, même les plus angéliques, conduisent aux pires excès et finissent inévitablement par disparaître ! En fait il n’y a qu’une avenue possible pour sauver la planète : l’éducation ! Acquérir une sensibilité face au vivant ne s’improvise pas et c’est donc dès l’enfance que cette acquisition doit se faire. Les marches pour sauver la planète ne régleront rien si dans la vie de tous les jours nous foulons du pied la diversité biologique par la somme de nos actions et de nos inactions. Malgré l’optimisme de certains, il faut voir la vérité en face : la transition sera longue, très longue, probablement sur quelques générations, car elle nous oblige à abandonner une partie de notre confort matériel et à évoluer vers une forme de gouvernance planétaire qui permettra de coordonner toutes les actions visant à corriger les erreurs du passé et éviter celles de demain ! D’ici là, nous aurons à subir la colère de la Terre. Espérons que nos enfants et arrières petits enfants vont acquérir la sagesse qui nous fait si cruellement défaut et qu’ils auront la volonté de mettre en œuvre toutes les mesures qui s’imposent pour redresser le climat et sauver les espèces en péril, incluant la nôtre !


Jean Payeur