mercredi 26 août 2015

Ces armes qui instrumentalisent le mal américain...de Lincoln à aujoud’hui, petit plaidoyer contre la prolifération des armes à feu.

Abraham Lincoln en 1863, deux ans avant sa mort à 56 ans.
Lorsqu’il a jailli dans la loge présidentielle du théâtre Ford, John Wilkis Booth avait un minuscule pistolet à la main, un Derringer. Nul besoin d’un canon pour tuer un homme, une seule petite balle tirée à la tête et le président Lincoln devait mourir neuf heures après le tir fatidique. Après une chasse à l’homme, Booth périt à son tour sous les balles de soldats de l’Union et ses complices furent pendus et le peuple pleura ce président qui réunifia le nord et le sud et abolit l’esclavage. Mais assez curieusement,  l’arme maudite de ce crime historique bénéficia d’une certaine "publicité" et fit la fortune de plusieurs armuriers et de marchands d’armes. Le « Derringer » désigne maintenant toute une catégorie de pistolets miniatures que l’on peut même dissimuler dans une botte de cow-boy ou dans un très petit sac à main. Le Derringer se décline dans une grande variété de formes et de couleurs, qui font presque oublier le caractère létal de cette arme, car le Derringer contemporain est bien plus « efficace » que sa version de 1865 !


La mort violente en direct de deux journalistes de la station WDBJ en Virginie le 26 août, souligne une fois de plus que la facilité d’accès des armes à feu favorise grandement le passage à l’acte d’individus perturbés ou motivés par différentes causes. La tuerie de Charleston qui aurait inspiré l’assassin des journalistes Alison Parker et Adam Ward aurait été plus complexe à mettre en oeuvre si son auteur n’avait eu accès qu’à des armes de chasse conventionnels ou à des armes blanches. Une arme capable de tirer des dizaines de balles en quelques secondes ou que l’on peut dissimuler dans une poche ou un sac à main ne devrait pas être en vente libre et surtout pas accessible à des individus perturbés.

La fascination pour ce type d’armes, dont la finalité est de faire feu sur un être humain (très mal adaptés pour la chasse au chevreuil !),  est pour le moins étonnante. Comme plusieurs Américains, on peut toujours justifier le recours aux « armes portables »,  voir même aux fusils d’assaut,  dans un but d’autodéfense, mais dans les faits il est plutôt rare qu’une personne soit en mesure d’utiliser efficacement une arme contre un agresseur potentiel. Souvent mal entreposées ou utilisées avec négligence les armes « d’autodéfense » se retournent parfois contre leur propriétaire et leurs proches.  Chaque année les médias nous rapportent des histoires d’horreur ou une arme dite d’autodéfense a finalement tué accidentellement un jeune enfant, une conjointe ou le voisin venu emprunter une tasse de sucre. Malgré tout « le gun »  fascine l’humain et les hommes en particulier qui raffolent de tout ce qui pétarade et leur procure un sentiment de puissance instantanné !  Pas étonnant dans ce contexte que la National Rifle Association arrive à recruter plus de 5 millions de membres aux USA et cela en se donnant l’allure d’une organisation de défense des droits civiques! Dans ce contexte, posséder un Derringer est non seulement une manière de se protéger des vilains, mais également d’affirmer sa propre liberté,  garantie par le deuxième amendement de la constitution américaine.

Le "petit" Derringer de John Wilkis Booth
Le Derringer n’est pas la seule « arme mythique » à susciter l’admiration d’une partie de l’humanité, du colt à la kalachnikov le rayon de la quincaillerie meurtrière est bien rempli et se perfectionne au fil du temps. Ainsi la guerre de sécession américaine bénéficia de plusieurs avancées technologiques qui vont préfigurer la Première Guerre mondiale. Avec plus de 600 000 morts, cette guerre fratricide a été la plus meurtrière des États-Unis jusqu’à ce jour! Pourtant, le culte des armes demeure bien présent chez nos voisins du Sud, comme si l’horreur de la guerre ne faisait que le renforcer! Même le massacre d’innocents petits enfants par un déséquilibré à l’école de Sandy Hook à Newtown en 2012, n’arriva pas à émouvoir les membres de la puissante NRA qui en rajoutèrent une couche en proposant comme remède aux tueries d’armer les directions d’école!!! Imaginez la scène où les membres de la direction répliquent aux tireurs fous en tirant à leur tour avec les enfants au milieu... deux fois plus de victimes dans le meilleur des résultats!!! Dans les faits, il y a peu de parades possibles contre un illuminé ou un terroriste qui décide du jour au lendemain de mettre un terme à ses jours en emportant avec lui un maximum de personnes innocentes, sinon de réduire l’accès aux armes dont la finalité est de tuer des êtres humains, car on ne va pas à la chasse à l’orignal avec un fusil d’assaut! Mais comme les humains sont les rois de la triche, on arrivera toujours à trouver sur le marché un fusil d’assaut destiné à la chasse aux écureuils! Il y a en plus tous ces imitateurs qui arrivent à glorifier les auteurs de tueries et qui aspirent à les dépasser dans l’horreur, question d’obtenir leurs 5 minutes de gloire dans les médias, de manifester leur existence par l’extrême violence et l’absurdité!

Contrairement à John F. Kennedy dont la tête a explosé sous l’impact des balles à haute vélocité de la carabine Manlicher-Carcano de Lee Harvey Oswald, Abraham Lincoln est mort d’une lente agonie avec la petite balle du Derringer enfoncée dans sa boîte crânienne. « Le Sud est vengé! », aurait crié Booth avant de s’enfuir du théâtre Ford. Comme la vengeance est le moteur de toutes les violences et de toutes les guerres, ce crime n’a bien sûr rien réglé, il a même « légitimé » en quelque sorte l’option de l’assassinat politique aux États-Unis, dont les deux frères Kennedy (et avant eux les présidents Garfield en 1881 et McKinley en 1901) et Martin Luther King ont été les plus célèbres victimes. Sans les mesures de sécurité extrêmes qui entourent maintenant les politiciens américains, il a fort à parier que le bilan serait encore plus sombre aujourd’hui. Ronald Reagan a d’ailleurs bien failli devenir le cinquième président américain assassiné en mars 1981, lorsqu’un désaxé tira 6 balles en sa direction avec un revolver.  


John Wilkis Booth, l'assassin de Lincoln

Est-ce que le mal vient des hommes ou de leurs armes? Le mal, ou ce qui est mauvais ne peut être associé à un objet. Une pierre au sol n’est ni bonne ni mauvaise, mais si vous la prenez dans vos mains et la lancé sur un de vos semblables c’est uniquement à ce moment qu’elle devient un « vecteur » du mal. Évident me direz-vous? Mais que dire d’un fusil d’assaut dont la conception et la fabrication ont pour finalité de tuer des êtres humains? Le simple fait d’acquérir ou de posséder une telle arme ne trahit-il pas l’intention de son propriétaire, celle de l’utiliser contre ses semblables, qu’ils soient bons ou méchants? Une arme c’est comme un outil, à partir du moment où elle est à votre disposition elle a le potentiel d’être utilisée.  C’est la même chose pour les armées, rares sont les pays qui disposent d’une armée dont les soldats ne font que cueillir des marguerites, règle générale les armées finissent toujours par faire la guerre quelque part et à "tuer des pauvres gens" (la formule est de Boris Vian dans sa chanson le déserteur). 

lundi 3 août 2015

Drame aviaire dans mon arrière-cour!


Au début du mois de juillet, par une belle journée ensoleillée j’ai observé au sommet de l’une des haies de cèdres à l’arrière de notre maison le ballet incessant d’un couple de cardinals. Manifestement ce couple était en pleine période de nidification et leur va-et-vient trahissait la présence de leur nid enfoui profondément dans le feuillage vert foncé, à l’abri de la majorité des prédateurs. Discrètement et de loin, j’ai continué d’observer pendant quelques jours la régularité des entrées et sorties du couple de cardinals à travers les branches de la haie. Et puis un beau matin ce fut le drame! Au pied de la haie de cèdres, trois oisillons, sans aucun plumage, rendaient leur dernier souffle dans la pelouse. C’est avec la mort dans l’âme que nous avons placé dans un sac les trois petits cadavres en essayant toutefois de comprendre la nature du drame qui venait de se dérouler... Est-ce qu’un chat aurait réussi à grimper le long du tronc et aurait attaqué sauvagement le nid, des traces de griffes sur l’écorce du tronc principal de la haie semblait même étayer cette hypothèse.

Cardinal femelle



Cardinal mâle


À notre grande surprise, dans les jours qui ont suivi notre macabre découverte, nous avons continué d’observer le va-et-vient du couple de cardinals au sommet de la haie, comme si leur progéniture y était toujours... Est-ce qu’il y aurait un quatrième oisillon dans le nid qui aurait survécu au massacre? Ou est-ce que les cardinals ont l’habitude de sacrifier les oisillons moins vigoureux au profit d’un plus costaud? Nous voilà donc avec plus de questions que de réponses! Et puis par hasard, un après-midi j’entends un chroniqueur à la télévision parler du comportement parasitaire de certains oiseaux, dont le vacher à tête brune. Pas très sympa le vacher qui avouons-le, de la perspective humaine a un comportement vraiment... vache! Imaginez , non seulement le vacher pond son œuf dans le nid des autres espèces d’oiseaux, mais il laisse aux propriétaires du nid squatté le soin de nourrir son rejeton. Généralement plus gros et plus vorace que les oisillons du nid hôte, le jeune vacher croit plus rapidement, car il ouvre le bec plus grand s’accaparant de la majeure partie de l’offre alimentaire des parents fraudés. Le pire reste à venir : profitant de sa supériorité, le vacher juvénile n’hésitera pas à expulser les autres oisillons du nid afin de ramasser 100 % du butin alimentaire. Bingo ! Du coup je crois bien tenir l’explication du drame qui s’est déroulé deux jours plus tôt dans notre arrière-cour, du moins si j’arrive à apercevoir et à identifier formellement l’oisillon assassin qui squatte encore le nid des cardinals... Pas une mince tâche, car la haie fait presque 4 mètres de hauteur et le nid semble encastré profondément sous le feuillage. Ne reculant devant rien, muni d’un long escabeau et d’une lampe frontale, je profite de la noirceur et du sommeil de cette drôle de famille reconstituée pour tenter de localiser le nid. Après quelques minutes de recherche je découvre à quelques centimètres du sommet le fameux nid ou un seul oisillon gris, qui a déjà acquis la majeure partie de son plumage, ouvre un œil... difficile de l’identifier formellement, ce n’est manifestement pas un cardinal juvénile, mais était-ce un vacher à tête brune juvénile, les branches et le feuillage m’empêchaient de voir certains détails importants dont la couleur du plumage ventral.

Le vacher à tête brune juvénile(young Brown-headed cowbird) , s'alimentant au sol.



Les jours ont passé et autour du 15 juillet, j’aperçois au pied de notre mangeoire à oiseaux un petit oiseau gris au vol encore incertain qui préfère manger les graines tombées au sol. Je sors alors mon appareil photo, le 300 mm en batterie, je suis prêt à le mitrailler sous tous ses angles afin d’être en mesure de bien l’identifier... Rapdement je consule mon guide Peterson et les sites web ornithologiques qui me confirment hors de tout doute raisonnable que je suis bien en présence d’un vacher à tête brune juvénile, le même qui aurait squatté le nid des cardinals et « liquider » leur progéniture... Tout à coup il devient beaucoup moins sympathique à mes yeux, mais mon jugement est anthropomorphique, la nature ne porte pas ce genre de jugement! Par son comportement parasitaire, le vacher contribue à sa manière à régulariser la population des autres espèces d’oiseaux! Je m’interroge cependant sur l’aveuglement du couple de cardinals qui ont continué de nourrir un oiseau d’une autre espèce. D’autres espèces d’oiseaux sont beaucoup plus « conscients » de ce genre « d’invasions de domicile » et n’hésitent pas à foutre au bas du nid les œufs des squatteurs, mais visiblement, malgré sa belle robe écarlate, le cardinal souffre de myopie ou d’un sérieux déficit d’attention!!!