mercredi 15 mai 2013

Mon grand-père Philippe Grenier


Les vieux négatifs ont remplacé les cigarettes

Dans les fameuses boîtes de cigarettes en métal « Sportsman » et « Sweet Caporal » où mon père conservait ses négatifs, j’ai également retrouvé des clichés qui appartenaient à ma mère et qui ont été prises à différentes époques avant le mariage de mes parents. Parmi les photos les plus anciennes, certaines pourraient avoir été prises avant la naissance de ma mère au début des années 20, mais le peu de repères chronologiques dans les images ou sur la pellicule elle-même ne permet pas de dater ces photos avec certitude. Mais peu importe, j’ai retrouvé avec bonheur des photographies inédites de mon grand-père et de ma grand-mère maternelle et bien sûr de ma mère et de mes tantes à l’époque de leur enfance et de leur adolescence.

Philippe Grenier au deuxième rang à droite, à gauche son meilleur ami Émile Laplante, journée au camp de pêche avec Monsieur le curé. 


Monsieur le Maire dans son champ !
Mon grand-père Philippe Grenier était pour moi un personnage plus grand que nature. Le passage du temps n’a fait que magnifier et embellir  mon souvenir de cet homme que j’ai peu connu. En effet,  je n’avais pas 10 ans lorsqu’il décéda en 1962 à l’âge de 82 ans.  Il faut l’avouer, j’avais également  peur de cet homme au visage sévère, à la tignasse blanche immaculée et à la forte corpulence. Jusqu’à 7 ans,  je l’ai côtoyé de très près puisque nous habitions dans le logement qu’il avait aménagé pour mes parents à l’étage de sa belle maison ancestrale du Chemin Royal à Villeneuve. Villeneuve qui fut d’abord Beauport Est (avant 1951), puis avec les fusions municipales devint Beauport (en 1976)  et maintenant Québec (en 2002).  Mon grand-père fut d’ailleurs le maire de Beauport Est en 1931et 1932 et de 1939 à 1944. C’était un touche-à-tout, mais il était d’abord menuisier de métier. Derrière la maison familiale, il y avait un hangar au parement de tôles grises qui ne payait pas de mine, mais qui exerçait une véritable fascination pour le jeune enfant que j’étais. C’était le repère de mon grand-père !  Au rez-de-chaussée du bâtiment on retrouvait un véritable bric-à-brac d’outils de jardinage, de vieux meubles et d’objets de toutes sortes, près de l’entrée il y avait un escalier abrupt  qui aboutissait sur une trappe que l’on devait pousser pour atteindre le repère du grand-père à l’étage. C’est en effet au premier que se trouvait son atelier où trônait au centre l’impressionnant « banc de scie » et son énorme moteur électrique qui une fois lancé faisait trembler les planches du vieil édifice de même que mes petites jambes d’enfant.  Je me souviens que l’un des murs de son atelier était couvert de rabots, de bouvets, de vastringues et bien sûr de varlopes ! Je me souviens de l’avoir aperçu par l’une des  fenêtres à carreau en train d’aiguiser ses égoïnes avec ses petites limes triangulaires, un travail de patience que la plupart des menuisiers d’aujourd’hui ont délaissé au profit des scies  circulaires portatives  aux lames en carbure quasi inusables...  on n’arrête pas le progrès ! Malheureusement mon grand-père est décédé avant de me transmettre sa connaissance du travail du bois, mais sans le vouloir il m’a transmis sa propre passion,  simplement en vivant à mes côtés.



Le patriarche dans sa maison 
Avalé par les grandes villes,  il reste peu de choses de Villeneuve, ce « petit bourg charmant »  qui a été labouré au nom du « progrès ». Dès  les années 50 les ciments du Saint-Laurent ont débuté l’exploitation d’une gigantesque carrière de calcaire au bout des terres de mon grand-père afin d’alimenter la tristement célèbre cimenterie de Montmorency  qui a empoisonné l’existence de ses citoyens pendant quelques décennies. Ensuite,  à la fin des années 60 l’autoroute 40 a littéralement divisé Villeneuve en deux  en plus de faire disparaître de belles maisons ancestrales sur le Chemin Royal. Finalement la baisse de la ferveur religieuse a eu également raison l’église de Villeneuve qui a disparu sous le pic des démolisseurs en 2012, laissant place à un énorme complexe immobilier. Ce n’était pas un chef-d’œuvre d’architecture, mais c’était l’un des rares monuments publics à rappeler la mémoire de Villeneuve et de son unique paroisse,  Saint-Thomas. On densifie le territoire, c’est maintenant le mot d’ordre de la grande ville carburant au progrès  !!!  Il reste bien sûr de belles maisons ancestrales sur le Chemin Royal pour rappeler ce que nous avons été et la rue Philippe-Grenier de l'arrondissement Beauport  pour honorer la mémoire de ce maire qui fut mon grand-père.


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